L'histoire :
En août 1973, à la frontière franco-espagnole, une voiture s’arrête sur une petite route de montagne isolée, côté français. Un type en descend, ouvre le coffre et en fait sortir Mario, un jeune homme d’origine portugaise qui fuit la dictature de Salazar, la récession économique et la conscription obligatoire pour la guerre en Angola. Le passeur est à peine poli. Il envoie Mario vers le village proche et lui conseille la discrétion et le silence. Désormais seul, Mario descend à pied vers le village et s’abreuve à la fontaine… lorsqu’il assiste à une course-poursuite entre des policiers français et un jeune homme de son âge qui fuit en vélo. Mario est aussitôt associé au fuyard et pris pour cible par les poursuivants. Donc il se sauve, à la suite de l’autre ! Les deux jeunes gens, tous deux portugais immigrants illégaux, parviennent à semer leurs poursuivants en forêt et ils font connaissance. Ils mettent le cap sur Paris. En cours de route, ils montent à l’arrière d’une camionnette stationnée, espérant qu’elle leur fera gagner du temps. Mais grâce à son chien, le propriétaire les repère à l’arrivée et il ne connait que trop leur problématique. Il leur propose du boulot : nourris, blanchis, logés, contre du labeur sur un chantier, en compagnie de Zé, un autre portugais manchot…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A notre connaissance, c’est la première fois qu’une bande dessinée s’intéresse à la migration des portugais vers la France, dans les années 70. Rappelons le contexte : entre 1957 et 1974, le régime autoritaire de Salazar est à l’origine d’une grande misère au Portugal, en raison des guerres en Angola, Guinée-Bissau et Mozambique. 700 000 portugais migreront alors vers la France, où ils œuvrèrent la plupart du temps en tant qu’excellent maçons. Bien que majoritairement clandestine, cette migration arrange bien la France, qui a grand besoin de main-d’œuvre dans le BTP à l’époque. Le lecteur est ainsi invité à suivre de près le parcours de vie de Mario et Nel, deux jeunes clandestins portugais attachants. Mario, plus ingénu et volontaire que Nel, hâbleur et roi du système D, est d’ailleurs une version (sans doute partiellement romancée) de l’authentique papa du scénariste, Olivier Afonso. On s’enthousiasme, on vibre, on frémit, on s’amuse aux côtés de ces représentants d’une génération, en raison des nombreux tumultes sociaux et historiques de la période et du ton volontiers badin de la narration. Ce road-movie maçonnique est accompagné par un dessin jeté et dynamique de Chico (alias Aurélien Ottenwaelter), mais toujours très juste, qui rappelle par moment le style Larcenet ou Blain.
