L'histoire :
Dans un village de Sériphos, en 1720 avant JC, l’aède (poète) grec Kléôn chante une geste héroïque à l’intention d’un auditoire subjugué. Il s’agit en effet du combat d’un jeune et brave homme baptisé Thésée, fils de Poséidon, qui terrassa une créature surnaturelle, un minotaure, au sein du labyrinthe de Cnossos. Mais tandis qu’il en est au point ultime de l’affrontement, Kléôn fait une pause et laisse son auditoire en suspens : il faut absolument qu’il aille pisser. Mais tandis qu’il se soulage en solitaire contre un pilier de la villa, une mystérieuse femme capuchonnée l’agresse en lui assenant une grosse mandale dans le nez. Kléôn passablement sonné, elle le traite d’infâme menteur. Car elle connait la véritable histoire de Thésée, qui s’est déroulée il y a moins de 20 ans. Et pour cause : Thésée… c’est elle ! Quand le poète retourne à son auditoire, avec le nez cassé, il n’a plus guère envie de poursuivre son récit. Il se renseigne sur l’identité de cette drôle de bergère et il la retrouve le lendemain dans les estives, au terme d’une longue et pénible marche. La femme, qui approche d’une quarantaine d’années, dévoile son visage couvert de cicatrices. Et devant l’insistance de l’aède, elle se met à lui raconter sa propre histoire. Cela a commencé lorsque son père Egée, le roi d’Athènes, répudia sa mère Ethra, après qu’elle l’ait mis en cause dans son incapacité à avoir un héritier mâle. Jusqu’alors, Thésée ne voyait alors guère souvent son père… et les choses n’allaient pas s’arranger…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le mythe de Thésée, qui vainquit le minotaure dans le labyrinthe de Cnossos, est l’un des plus célèbres contes de la mythologie grecque. Or le gros avantage avec les légendes de la sorte, c’est qu’il ne fait pas injure de les distordre et de les réinventer, étant donné qu’il s’agit précisément de récits fantasmés, chimériques, boursouflés d’héroïsme par les rumeurs colportées par des générations d’aèdes, et non d’Histoire authentique. Et ce n’est pas (trop) spoiler cette nouvelle série que de révéler que l’option divergente choisie par le scénariste Jerry Frissen est celle de transformer Thésée en femme. Après tout, elle est au centre de la couverture et son prénom comporte un E à la fin… Frissen prend donc le parti du réalisme et du cartésianisme, en remettant dans une Grèce antique probable l’histoire de Thésée, fille du roi Egée et de la riche maîtresse Ethra. Il redéfinie assez justement des mœurs sociales rudes, heureusement de moins en moins usitées aujourd’hui – l’omnipotence royale, la répudiation suivie de l’assassinat d’une maîtresse, le proxénétisme et l’esclavagisme dès le plus jeune âge, l’apprentissage du joli métier disparu de gladiateur. Illustrée et mise en scène par le dessin réaliste, d’une grande justesse, de l’italien Francesco Trifogli, cette relecture « biographique » se montre tout à fait prenante et crédible, en plus d’être didactique quant aux mœurs de l’époque. Nous voilà bien intrigués de savoir comment sera « redéfini » le minotaure au prochain tome…