A l'occasion de la sortie du très attendu 3e tome de 7 secondes, Gérald Parel a eu la gentillesse de répondre aux questions des bédiens, au cours du salon du livre de Paris. Les cheveux dans les lunettes, l'esprit entièrement tourné vers la nouvelle guitare électrique reçue le matin même (pensez ! une Gibson immitation Les Paul !), Gérald nous a parlé de sa complicité avec Jean-David Morvan (également interviewé sur planetebd.com, juste ici).
interview Bande dessinée
Gérald Parel
Bonjour Gérald Parel ! Tu viens de publier avec Jean-David Morvan, le troisième tome de 7 secondes. Au bout de 3 tomes, comment se passe ta collaboration avec JDM ?
Gérald Parel : Très bien ! Avec le temps je découvre de nouvelles façons de travailler avec lui parce qu'on se voit de moins en moins régulièrement en raison de ses nombreux projets. Il gère comme il peut les auteurs avec lesquels il travaille. Mais il arrive à se débrouiller, je ne sais pas comment il fait ! Cela dit, si j'ai du retard, il va me laisser dans mon retard, mais naturellement, il ne va pas se bouger pour moi. Si d'autres auteurs sont mieux dans le rythme, avancent plus vite, il va plus les suivre. Ceux qui sont en retard, quand ils en ont besoin, ils l'appellent. Et au moment où on l'appelle, il est assez efficace : il tourne les pages lentement... Ça dépend des dessinateurs en fait. Au début, il me suivait bien et quand il y avait du retard, je pouvais dire que c'était de ça faute. Maintenant je m'aperçois qu'en fait, c'était moi qui étais en retard. C'est assez difficile, c'est assez lié au milieu de la BD. On est livré à nous-même. Il faut avoir de la discipline et ce n'est pas trop mon cas. La grosse difficulté à laquelle je dois faire face, c'est de travailler chez moi. Il faut que je divise en deux l'endroit où je vis et l'endroit où je travaille. Le changement géographique, ça fait beaucoup en fait. Quand je suis chez moi, j'ai tellement de choses à faire : le ménage, la vaisselle...
Peux-tu nous résumer ton parcours ?
Gérald Parel : J'ai eu un bac littéraire. Puis j'ai perdu pas mal de temps car j'ai été très mal conseillé. Ensuite j'ai fait une année de fac d'arts plastiques, car je voulais faire du cinéma. Mais la filière étant complètement bouchée, j'ai appris qu'il existait une école de BD. Ça me paraissait complètement improbable. Je suis donc allé en Belgique suivre les cours de cette école de BD, j'y suis resté un an et puis j'ai rencontré Jean-David. Il y avait un cours de dessin là-bas... D'ailleurs j'oublie toujours de remercier ce prof : on l'appelait " Moustache " parce qu'il avait une grosse moustache comme le commissaire dans Astro boy. Il m'a appris tout ce qui manquait à mon dessin. Auparavant, ma manière de dessiner venait de mes lectures de BD. Lui, m'a appris à calculer les coups, à gérer les volumes, les orientations de lumière... Des choses qui paraissent évidentes, mais en fait pas tant que ça. Il y a beaucoup de jeunes (je parle comme un vieux !) qui débutent à partir du manga et qui dessinent super bien à la base. Mais ça leur est plus difficile de trouver leur originalité car ils n'ont qu'un seul modèle : le modèle manga. C'est vraiment important de prendre des cours de dessin.
Pourquoi tant de temps entre deux albums ?
Gérald Parel : Problème d'autodiscipline. Mais pas seulement : j'ai bossé aussi sur d'autres projets qui me rapportaient de l'argent. Des boulots salariés en Bretagne où je devais me rendre dans un studio de telle heure à telle heure. Et comme on picole beaucoup en Bretagne, et que j'étais dans un atelier où on faisait plus la fête que travailler... J'ai fait pas mal de projets récréatifs, notamment les pochettes du dernier disque d'Henri Salvador. J'ai participé à plusieurs collectifs dans le magazine Métal Hurlant des Humanos. Comme on nous avait laissé carte blanche, ça nous a donné l'occasion de faire n'importe quoi :. Et puis des projets de com' qui rapportent des sous et qui sont plutôt rigolos à faire. Mais en fait, ce n'est pas ça qui fait perdre du temps, c'est surtout une question d'autodiscipline. Je suis en train de me chercher des excuses, là.
Nous avons remarqué que tu changes radicalement de style de dessin au cours du tome 3. Il se fait plus tourmenté, plus hachuré, plus sombre. Pourquoi ce glissement graphique ?
Gérald Parel : Si j'étais professionnel, je mentirais et je répondrais que c'est en rapport avec l'histoire et que c'est vraiment pour changer à chaque album. En fait à chaque album, il y a un nouveau personnage qui meurt (je ne devrais peut-être pas le dire pour ceux qui ne l'ont pas lu... tant pis). La réalité, c'est qu'en fait, je desine au feeling. Marc Bourgne me faisait justement tout à l'heure la remarque que ça avait encore changé. En fait, je ne travaille pas avec les anciens albums sous les yeux. Et étant donné que les premières planches ont été données à l'éditeur, je n'ai plus de référent. Donc, plutôt que de me cantonner à essayer de me souvenir péniblement à ce que c'était, je pars comme ça, " en live ". Mon plaisir varie au fur et à mesure. Mon dessin évolue naturellement. Si j'étais vraiment super pro, j'essaierais de dessiner de la même façon. Mais ça me prendrait alors plus de temps. Pour le moment, les seuls retours que j'ai sur l'album, viennent de mon entourage proche, donc forcément sympas. Mais c'est plutôt constructif : c'est pour me parler de la couleur plus appropriée à mon dessin, ou du " hachurage " qui est beaucoup plus présent, ou des masses de noir...
Qu'est-ce qui a été le plus difficile à dessiner dans cet album ? Y a-t-il eu un défi majeur ?
Gérald Parel : Si je parlais de défi, ce serait présomptueux. Il n'y a pas eu de grosse difficulté, étant donné que c'est contemporain. Pour les décors, il n'y a juste qu'à piocher sur n'importe quelle source réelle. Ma difficulté personnelle, c'est d'arriver à dessiner dans le nombre de cases par planche. Il y a beaucoup de cases et beaucoup d'informations. Sur les cases où il n'y a pas trop de texte, ça va, mais il y en a d'autres carrément blindées ! Je pense donc que ma véritable difficulté, c'est d'essayer de rester lisible et de varier les planches. De faire respirer la page, même si c'est parfois très condensé. Jean-David a beaucoup de choses à dire et du coup c'est très serré. Moi j'ai rien à dire et je suis obligé d'adapter !
Ça ne te donne pas envie de faire une BD en solo, scénario + dessin ?
Gérald Parel : Si, bien sûr, j'ai envie de raconter des histoires. Pour l'instant, je raconte celle des autres. Pour le moment, je n'ai pas quelque chose de précis et de personnel à raconter. Quand ça viendra, je pense que je m'y mettrais. Mais je ne veux pas me forcer à écrire un scénario. Tout comme mon style de dessin change, je laisse faire naturellement la maturation des choses.
Les minutes s'égrainent lentement dans cette série... ça va durer combien de temps comme ça ?
Gérald Parel : L'histoire se termine dans 2 tomes, ce qui fera une série de 5 tomes au total. Donc dans les deux derniers tomes, ça devrait s'accélérer. Il faut que j'en parle à Jean-David, tiens ! Ça fait longtemps que je n'ai pas relu le scénario... : Faute professionnelle ! Enfin, en tous cas, l'histoire se termine (JE connais la fin) et c'est d'ailleurs pour ça que j'avais accepté.
As-tu d'autres projets ?
Gérald Parel : Actuellement je ne travaille que sur cette série là. Mais j'ai divers projets, avec d'autres scénaristes. Mais je ne préfère pas trop en parler, ni les nommer, parce que les projets ne sont pas encore signés et que je ne veux pas que Jean-David me propose d'autres scénarios entre temps pour m'en empêcher (il serait capable de faire ça). Je travaille également comme petite main dans un gros studio d'animation. Malheureusement, je ne peux pas trop en dire plus car j'ai signé un contrat de confidentialité.
Si tu étais un bédien, quelles seraient les BD que tu aimerais faire découvrir aux terriens ?
Gérald Parel : Question difficile car il y a beaucoup trop de bonnes choses... En fait, cette question, c'est une façon de demander " Si tu étais sur une île déserte et que tu pouvais emmener des BD, lesquelles choisirais-tu ? " Je pense que je prendrais l'intégrale des Astro Boy, et... heu... 7 secondes ! : En fait, je prendrais cette BD, pour me dire au quotidien qu'il faut vraiment que je fasse des progrès.
Si tu avais le pouvoir cosmique de te téléporter dans le crâne d'un autre auteur de BD, chez qui aurais-tu élu domicile ?
Gérald Parel : J'aurai tendance à ne pas vouloir être quelqu'un d'autre parce que je suis très bien dans ma peau. Mais si vraiment j'étais obligé, contraint, par la force, je pense que je voudrais être Windsor Mac Cay.
Merci Gérald !