L'histoire :
Une partie de foot comme il y en a tant d’autres, au milieu des tours et des habitations. Un des joueurs marque un but et chambre Jérôme en lui montrant le maillot de l’Algérie. La situation se tend quand Jérôme lui reproche de ne pas porter les couleurs de la France. Par exemple, lui-même est polonais, mais il ne portera jamais le maillot de la Pologne. La dispute prend une mauvaise tournure et ils finissent par se battre. Jérôme rentre ensuite chez lui, dégoûté. Quand il arrive à l’intérieur, il voit son grand-père pleurer devant une photo. Ce dernier lui raconte qu’il a fait la guerre d’Algérie, un sujet qu’il n’a jamais abordé auparavant. Il avait vingt ans et a été appelé à se battre en 1955. À l’époque, ils venaient d’être parents. Son oncle était aussi présent, heureux d’être en phase avec ses opinions politiques. Car pour lui, cela ne faisait aucun doute : les Français devaient rester en Algérie. Le grand-père sort un grand carton avec de nombreuses photos. La première le montre au port de Marseille devant un grand paquebot qui emmène les soldats à la guerre. A l'époque, on entendait tout et n’importe quoi sur l’Algérie. Et même que certains égorgeaient des familles pour voler leurs enfants. Personne ne connaissait vraiment le pays. Personne ne se doutait également de ce qui allait s’y passer…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après la guerre d’Algérie vue du côté des femmes et du côté algérien, les mêmes auteurs signent un tome deux vu du côté des hommes et du côté français. L’étudiant Jérôme remplace Beatrice. Par son entremise, c’est toute une époque et un pan de notre Histoire qui se révèlent à des générations plus modernes. Le travail historique de Swann Meralli est véritablement impressionnant. Tout y passe : des Harki aux Pieds Noirs, en passant par les pacifiques ou les Moudjahdine et le FLN. On voit également la guerre des deux côtés, coupant l’album en deux, comme si les deux camps ennemis étaient enfin réunis. L’exhaustivité est proprement hallucinante. Meralli parvient à être complet, tout en évitant un interminable relevé historique. Vous apprendrez tout, de façon synthétique, sur la guerre d’Algérie, que ce soit les tortures, la volonté de liberté, les manipulations des dirigeants français, les différentes opinions algériennes, les camps d’enfermement des civils, les massacres et les répressions, les difficultés de l’indépendance et même l'importance de mettre les bons mots sur une situation on ne peut plus complexe. Mais la masse d’informations n’est finalement pas ce qui est le plus marquant, puisque l’auteur parvient à rendre ces événements anciens modernes et profondément humains. Par la multiplicité des témoignages et le prisme du reportage, le ton devient vivant et le conflit intimement personnel. Un régal pour Deloupy qui se plaît à dessiner de façon sensible chacun des personnages, en donnant une identité forte à chacun d’entre eux. Les anciens combattants témoignent, non sans émotion, et certaines pages sont particulièrement éprouvantes ou choc. Notamment cette fameuse frise de l’horreur qui décrit sans parole des actes innommables. On le sait : cette guerre est quasiment tabou, tant les horreurs sans nom se sont multipliées. Pourtant, grâce à Meralli et Deloupy et comme le suggèrent les deux couvertures marquantes, cette guerre a désormais des visages.
