L'histoire :
Ça rassure son monde de pouvoir ranger chacun dans des petites cases… Le problème, c’est qu’on peut tout aussi bien être : une vraie fille de chez fille ; une maman over-gonflée ; une épouse rock n’roll ; une bosseuse acharnée ( ?) ; une parisienne branchouille ; une fashionista accro aux godasses ; et une glando-blogueuse convaincue. Il faut alors jouer de souplesse pour tout faire loger dans le même carton et prendre illico quelques cours élémentaires de contorsion… En tous cas, pas question que l’entourage file son coup de main. Il faut se débrouiller comme une grande en gardant à l’esprit que chaque partie constitutive de sa personnalité s’évertue à chasser en permanence chacune de ses congénères. La fainéante qui reste au chaud sous la couette, par exemple, pour éviter d’aller bosser, est rapidement sortie du lit par la maman qui doit faire chauffer le lait de son amour d’enfant. Ou encore la rêveuse qui s’accroupit gentiment devant son frigo en laissant la porte ouverte (pour y chercher une culotte…) se fait remettre en place par l’épouse au mari un brin moqueur et désespéré. Et que dire de l’illustratrice coincée par la dévoreuse de fringue dans une cabine d’essayage ? Mieux qu’un sport de haut niveau que d’être une trentenaire épanouie… Le pire dans tout ça, c’est qu’elle aime être toutes celles-là à la fois… et même celle encore à laquelle elle n’a pas pensé.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La trentaine, graphiste, illustratrice, maman à plein temps, épouse, amante, dingo de godasses, blogueuse de talent… Margaux Motin a des tonnes de peps à revendre. Tant et si bien, d’ailleurs, que ses tranches de vie trash et bidonnantes (alimentant son blog) regroupées dans J’aurais adoré être Ethnologue se sont vendues comme des petits pains (50 000 exemplaires). Pas de raison, donc, de ne pas remettre le couvert avec cette suite attendue (nouvelle compile de ses pages blog) dont le titre, vous l’aurez compris, exprime cette capacité qu’ont toutes les femmes (bin ouais !) à multiplier les rôles sans devenir gaga. Pages après pages, copines, cousines, mère, enfant, mari et gentils vices s’amusent, en tous cas, à en faire la joyeuse démonstration. Ce qui plait dans l’exercice, c’est avant tout le ton utilisé, rendant immédiatement sympathique ce petit bout de bonne femme pétillant. Cette manière de faire rend en effet la démarche profondément humaine (en « délissant » l’image de la féminité), particulièrement drôle et, malgré ses airs de brontosaure mal dégrossi, souvent tendre et touchante. Il y a un revers de médaille, néanmoins, à se rouler souvent trop facilement dans cette liberté de tout livrer « cash » pour nous amuser. Margaux Motin se balade en effet fréquemment sur la frontière du vulgaire, en la franchissant malheureusement quelquefois : sans choquer, son chouya d’impudeur pourrait parfois ne pas mettre longtemps à nous faire rougir comme des gamins. Quoi qu’il en soit, l’ensemble reste majoritairement drôle, pêchu et savoureux. L’élégance (qui contraste souvent avec le fond du propos) et la vivacité du trait, associées à une multitude de trouvailles graphiques, font de l’ensemble un objet séduisant. Peut-être nettement moins « surprenant » pour les connaisseurs aguerris de l’univers Motin, mais faisant partie des meilleures productions du genre, à ranger aux côtés des Notes de Boulet.
