L'histoire :
Au Congo, plus de cent rebelles Rwandais, les Hutus, ont été retrouvés massacrés, chaque tête figée sur des pieux de bambou. Les Etats-Unis s’intéressent à l’affaire sordide, car un satellite a découvert que les pieux étaient disposés de façon à laisser apparaître un nom : « Devilin ». Ce nom est celui d’un ancien militaire américain qui avait fait une mission au Zaïre juste avant l’accession au pouvoir du dictateur Mobutu. Devilin constitue une équipe de tueurs professionnels : le Noir Thomas Glass, spécialiste de la gâchette, la belle Asiatique Toni Lin et un ancien combattant du Salvador. Tous traînent un passif lourd et sont prêts à en découdre. Ils ignorent pourtant l’objectif de leur mission, tandis que Devilin semble nerveux. L’équipage atterrit à Kinshasa, accueilli par leur guide Tshimumba. Thomas Glass sent que cette mission ne sera pas comme les autres et qu’elle est pleine de mystère et de dangers… Or « dans mon job, mystère veut dire mort » !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Congo Bill est la réécriture d’un vieux comics des années 50 où le héros aussi appelé Congorilla était un chasseur émérite doté de pouvoirs magiques. A cette époque d’aventures exotiques aux relents colonialistes, il pouvait alors se transformer en gorille, grâce à un anneau. Le scénariste Scott Cunnigham en fait ici une histoire dramatique, beaucoup plus adulte et profondément engagée. L’exotisme de l’Afrique est vite balayé au profit d’un tableau réaliste des plus « noirs » : le regard acerbe du scénariste dénonce toutes les atrocités du Congo sous la dictature de Mobutu, des guerres tribales et des luttes de pouvoir. L’impérialisme belge est aussi fustigé… le tout orchestré en sous-main par les Etats-Unis qui n’hésitent pas à intervenir en faveur du plus offrant. Dans ce constat amer, un seul espoir, violent et sans compromis. Vengeresse, la Nature reprend ses droits en massacrant les rebelles Hutus, mais aussi les Blancs impérialistes. L’énigme de cette brousse tueuse plonge le récit dans le registre de la magie, sur fond de croyances africaines et de pouvoirs animistes. Le mystère est opaque et précipite l’équipe de mercenaires américains dans une mission infernale. Empêtré dans une guerre qui lui échappe, Thomas est piégé par l’amour qu’il ressent pour la belle Asiatique, puis par le poids de son passé et de ses remords. Quant à l’animalité de l’humain : la rapacité des américains et la férocité des Africains font de ce récit un brûlot violent et réaliste contre la situation en Afrique. Le tout est magnifiquement servi par un dessin noir et blanc du Croate Danijel Zezelj, qui n’a pas son pareil pour dessiner la beauté des visages africains et la noirceur de l’âme humaine. Cadrages vertigineux, visages anguleux, gros plans fascinants, jeux de lumière sublimes, l’art de Zezelj est proprement sidérant. Ce récit court est sublime, dans son intelligence à allier dénonciation politique et récit d’aventures, sur fond de mysticisme.