L'histoire :
XVIIIème siècle. Un soir à Paris, un homme erre dans les rues, apparemment à la poursuite d'une femme. Il l'appelle « salamandre » auprès des gens qu'il croise. Ses pas vont l'amener à rencontrer dans la Rôtisserie « la Reine Pédauque » – où il croit l'avoir vue rentrer – le théologien Jérôme Coignard, prêtre défroqué et son élève Jacques « tournebroche » Ménétrier, fils du propriétaire de ladite enseigne. Tous deux vont être invités chez l'homme un peu dérangé : le philosophe et cabaliste d'Astarac, qui voit dans le jeune homme le seul être capable de communiquer avec les sylphides, créatures mythiques qui hantent les nuits du vieux noble. Dans un pavillon jouxtant la grande maison d'Astarac, où trône une grande bibliothèque, vit un vieillard très savant du nom de Mosaïde, devant l'aider à décrypter le Pentateuque. A ses côtés vit sa nièce Jahel...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Marc Jondot a débarqué comme par magie dans le monde de la BD en 2021 en présentant un album étonnant d'originalité : l'île d'Ohm, tout de noir et blanc vêtu, et dont les protagonistes évoluaient dans un univers fantasmagorique peu vu depuis les grandes heures de Métal Hurlant. On a loué son sens de la narration, son appétence pour l'étrange, et une belle aptitude à dessiner le minéral, les architectures, tout en privilégiant avec talent les ambiances XVIIIème siècle. C'est à nouveau dans un registre Louis XVI qu'il nous invite, cette fois adaptant avec brio un roman d'Anatole France, rarement (sinon jamais) scénarisé sous cette forme. L'exercice périlleux est réussi, avec une transformation du récit en français XIXème à la première personne, en dialogues cohérents, évitant l'écueil de la périphrase ou de l'ennui. On reste subjugué par la maîtrise graphique d'un auteur ayant su apporter une patte très personnelle et originale, pouvant à certains moments évoquer Guillaume Sorel. Les lavis de gris sont envoûtants et les noirs se perdent parfois dans des décors, avant que l'on s'aperçoive qu'ils servent de transitions entre deux éléments. Ajoutez une police de caractère subtile, et vous obtenez une recette cabalistique du plus bel effet. Si l'on ne saura pas qui était vraiment la reine Pédauque « au pied palmé », il est une chose certaine : Marc Jondot est loin d'être un manchot. De la belle ouvrage.