L'histoire :
Montgomery, Alabama, 1969. Deux membres du Klan descendent d'une voiture. En quelques secondes, il érigent une croix devant une maison et y mettent le feu. Bien évidemment, ils ont choisi de le faire dans un quartier résidentiel où seul des noirs habitent. Le père de famille empoigne son revolver et se précipite dehors, mais il est trop tard, la voiture a démarré en trombe. Pourtant, sa frustration est de courte durée, car le comité de vigilance du quartier, que les habitants nomment la défense civile, a bouclé toutes les issues. La voiture et ses passagers ont été interceptés sans effusion de sang. Les deux encagoulés, les mains attachées dans le dos, sont démasqués. Il s'avère que ce sont deux gamins de 20 ans dont les parents habitent à un pâté de maisons. Ils sont raccompagnés chez eux et rendus à leur famille, en caleçon et leur cagoule sur la tête. Leur père, qui dort avec un drapeau sudiste au dessus de son lit, sort son fusil à pompe. L'homme noir qui a ramené ses deux fils le toise, un 38 spécial à la main. Il ne les a pas violentés, mais il ne tolèrera pas que cela recommence...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Certaines séries abordent des thèmes peu traités. Tuskegee Ghost a déjà cette qualité. En effet son titre désigne le nom de la première escadrille de pilotes de chasse de couleur. Pour contribuer à l'effort de guerre, les hommes noirs affectés à l'US Air Force et qui faisaient preuve des qualités pour piloter un P51 Mustang, étaient affectés à la protection des bombardiers. Une mission particulièrement dangereuse, puisque les B29 étaient une cible prioritaire pour la Luftwaffe, qui avait réussi, à la fin de la Guerre, à produire le premier chasseur à réaction, le Messerschmitt ME262, à la vitesse supérieure à tout autre aéronef. La série met donc en scène un vétéran, qui doit vivre avec un trauma psychologique dans une Amérique triomphante, mais pas pour tout le monde. On a beau avoir servi son pays, quand on est noir dans les années 60, on n'a pas les mêmes droits que les autres. Là où le scénariste fait très fort, c'est que s'ajoute le contexte du Vietnam et d'un fils qui va devoir y aller. Deux générations consécutives à porter l'uniforme par réquisition, quand père et fils sont finalement cantonnés à être des citoyens de second rang. Le récit s'avère dense, émouvant, pour ne pas dire payant et Benjamin Von Eckartsberg le découpe de façon habile, en alternant les flashbacks de scènes de combats aériens dans le ciel de l'Europe avec les scènes qui nous ramènent dans cet Alabama dominé par le racisme. Il faut dire que l'auteur est loin d'être un novice et il a démontré ses qualités d'écrivain en particulier avec Gung Ho. Iil n'est pas non plus étonnant que la partie visuelle confiée à Olivier Dauger embrasse le registre des peintures digitales, avec un dessin rétro qui colle merveilleusement bien aux époques que traversent les personnages. Cet album ravira certes les aérofans, mais il a le mérite de proposer un fond allant bien au-delà du simple divertissement.