L'histoire :
En avril 1942, à Nice où il vit avec sa femme, Moussa Abadi sent que les choses s’enveniment sérieusement pour les juifs, comme lui. Des miliciens n’hésitent plus à passer à tabac de simples citoyens, même d’innocentes femmes, selon leur confession. En octobre 1940, ils avaient déjà dû quitter leur appartement parisien dans la zone occupée, pour éviter de pâtir de la loi promulguée par Pétain et son gouvernement de Vichy : certaines professions interdites et le port d’une étoile jaune. Pour autant, Nice ne se trouve pas exactement en « zone libre » : la ville est sous occupation italienne depuis le 22 juin 1940. Des miliciens de Mussolini patrouillent en vélo dans la ville, portant un casque à plumeau. Des réseaux de résistance s’organisent. Lors d’une sorte de confession inversée, un prêtre italien – un homme de bien – fait savoir à Moussa ce que deviennent les juifs déportés dans des camps… Horrifiés, Moussa et sa femme Odette décident alors d’œuvrer à une vaste entreprise de sauvetage d’enfants juifs. L’été 1943, Moussa prend rendez-vous avec Monseigneur Rémond, l’évêque de la région, en qui il a toute confiance. Après tout, la Torah et la Bible ne sont pas si différentes sur le plan humain…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Durant la seconde guerre mondiale, en France, de nombreuses personnes, au péril de leur propre vie, ont secouru et sauvé des juifs persécutés par l’occupant nazi et son allié de Vichy. Ces gens de bien ont été nommés « Justes parmi les nations » (un terme littéralement traduit du Talmud). C’est leur histoire « typique » que les scénaristes Yvon Bertorello, Serge Scotto et Eric Stoffel racontent au travers du destin d'un certain Moussa Abadi. Ce dernier met au point, avec l’aide d’autres héros de l’ombre, un réseau d’exfiltration et de dissimulation d’enfants juifs dans la région de Nice. Ce personnage central est (sans doute) fictif, mais dans son entourage, les Justes sont authentiques, dont une grande majorité d’ecclésiastiques cités en fin d’album. Les éditions Plein Vent (ex Artège, au sein du groupe Elidia) font logiquement honneur à leur ADN chrétien, épaulées par le comité français pour Yad Vashem (faire vivre et transmettre la Mémoire de la Shoah). Si le sujet mémoriel est éminemment estimable, le traitement est par trop technique. Notamment, la narration s’appuie certes sur une documentation précise et sérieuse, mais les protagonistes se lancent souvent dans des dialogues qui ressemblent à des descriptifs de livres d’Histoire, avec des détails de dates et des noms qui plombent le propos… sans compter les nombreux encadrés contextuels. Le dessin de Frédéric Allali et Michel Espinosa est tout aussi besogné et appliqué, alliant des décors scrupuleusement redessinés depuis photos et des personnages toujours identifiables, mais avec des effets parfois artificiels (ex : les postures exacerbées p.17). En somme, l’hommage est patent et honorable, mais la méthode est laborieuse.
