L'histoire :
En novembre 1800, Matthew Flinders est un jeune géographe cartographe de la Royal Navy, qui doit se marier sous peu. Il a déjà bourlingué du côté de la terre de Diemens (actuelle Tasmanie) en établissant qu’il s’agissait bien d’une île. Lors d’une soirée mondaine chez Sir Joseph Banks, président de la Royal Society britannique, il a l’occasion d’exposer son ambition à son hôte : établir une cartographie précise de l’Australie – alors appelée « Nouvelle Hollande ». Le statut insulaire de ce nouveau continent reste en effet une intuition. Personne n’est tout à fait certain que l’intérieur de l’Australie est une vaste et unique terre, tant qu’on n’en a pas fait le tour. Banks se laisse convaincre par ce projet de « circumnavigation » et renvoie Flinders en longue mission d’exploration. Flinders est d’autant plus motivé que les français rivaux viennent d’envoyer deux bateaux, commandés par Nicolas Baudin, pour dessiner précisément cette même topographie. Flinders est jaloux et il compte faire mieux, voire doubler Baudin. En mai 1801, il met ainsi le cap sur l’hémisphère Sud, évidemment sans emmener sa jeune femme (une femme sur un bateau !?? ce serait contraire à tous les usages !). Il envisage une durée de voyage de maximum 3 années. Il se trompe, et pas qu’un peu…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En marge des moteurs, le scénariste Laurent-Frédéric Bollée est aussi passionné par l’Histoire de l’Australie. Après Terra Doloris, Terra Australis et une biographie de James Cook, il livre cette fois une biographie du plus important cartographe de cette île-continent, le capitaine Matthew Flinders. Ce dernier n’a pas été cuisiné aux petits oignons par des anthropophages comme Cook, mais son destin n’en demeure pas moins romanesque et tourmenté. Il meurt à 40 ans, la veille de la publication de son ouvrage référence, épuisé par des années de captivité sur l’île Maurice alors française, en raison des tensions diplomatiques entre les deux nations. La vie de Flinders, c’est l’histoire d’une ambition aussi forte et rigoureuse, que naïve et injuste. Flinders a en effet noué une authentique collaboration constructive avec son rival français Baudin… mais il a été accusé d’espionnage par le gouverneur français Decaen. Celui-ci l’a retenu prisonnier pendant 7 ans, le privant ainsi de son épouse, de son travail et de sa santé. Avec toute l’efficience narrative qu’on lui connait, Bollée retrace ce destin tragique mais non-spectaculaire au plus près de l’authenticité historique, sur 150 pages plutôt chronologiques. L’ensemble est dessiné avec pas mal d’application réaliste et le souci de la rigueur dans les costumes, les bâtiments, les us et coutumes, par l’italienne Laura Guglielmo, pour qui il s’agit du second album (après Emma Wrong en 2019). A cette sérieuse partition graphique, on peut juste regretter une colorisation un peu sombre et éteinte… mais il n’y a vraiment pas de quoi bouder son plaisir !
