L'histoire :
Une femme nue s'enfuit d'un hôtel parisien après le bruit d'un coup de feu. Elle perd connaissance en pleine rue et se réveille sur un lit d'hôpital, questionnée par un juge. Louise explique ce qui s'est passé, que le docteur Thirion lui a proposé de l'argent pour qu'elle se déshabille devant lui, dans sa chambre. Il ne s'agissait pas de prostitution, explique la jeune femme, juste une demande étrange qu'elle a acceptée parce qu'elle avait besoin de cet argent. La justice ne semble pas prête à croire la version du suicide détaillée par la jeune institutrice, ou à tout le moins la soupçonne d'extorsion de fonds. Mais lors d'une confrontation cruciale, la veuve du docteur Thirion explique qu'elle renonce à toute plainte, de manière aussi déterminée que froide. Une attitude étonnante qui va conduire Louise à tenter de mieux connaître ce vieux docteur qui venait boire un verre dans le bar où elle travaillait les samedis et dimanches. Pendant ce temps, les troupes françaises installées dans le fort du Mayenberg sur la ligne Maginot se préparent à un assaut des troupes allemandes. Parmi eux, un certain Raoul Landrade qui organise des petits trafics autour de l'approvisionnement du fort. Lorsque les affrontements vont commencer en juin 1940, la vie de Raoul va basculer, tandis que les populations du Nord de la France débutent leur exode vers le Sud.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Christian de Metter termine le travail d'adaptation de la trilogie de Pierre Lemaitre, débutée avec Au revoir là-haut, en 2015. Il n'est pas nécessaire d'avoir lu les deux volumes précédents pour apprécier cette très profonde et foisonnante aventure sur fond de débâcle face aux troupes allemandes. Chaque personnage qui apparait après Louise prend corps de manière dense, incarnée avec beaucoup de précision par l'auteur qui soigne à la fois les scènes qu'il choisit de retranscrire, et l'aspect physique de chacun d'eux. L'habileté de l'intrigue construite par Pierre Lemaitre est très bien retranscrite. On se laisse captiver dès la première surprise, et on découvre la richesse de la galerie de portraits que le prix Goncourt a imaginée. Une deuxième lecture est un plaisir supplémentaire, comme on va revoir un film lorsqu'on a compris que rien n'avait été laissé au hasard. Avec ce travail d'adaptation, De Metter reste fidèle à son style graphique réaliste assez sombre, cette patte visuelle aux nuances de couleurs subtiles dont l'atmosphère convient particulièrement à l'époque qu'il dépeint. Il sait faire émerger la lumière pour certains moments plus légers. Sa palette de couleurs joue alors comme la bande son musicale choisie par un réalisateur habile. On sent qu'il ne souhaite pas bousculer la construction de l'auteur du livre, et s'appuyer sur la puissance de cette histoire pour en donner une version néanmoins personnelle. Un beau gros livre bien réalisé, qui donne très envie de se plonger dans l'œuvre originale pour connaître encore mieux Louise et le parcours de découverte des secrets de sa vie.
