L'histoire :
Petite blonde aux cheveux longs, Astrid se traîne une réputation de bûcheuse détestée de toutes et tous, au collège. Elle est toujours seule dans son coin, elle n'ose pas se révolter contre l'éducation bourgeoise imposée par ses parents et rumine son mal-être en écrivant un roman qui met en scène les gens de son entourage, en tant qu’alliés ou ennemis. Dans sa classe, il y a aussi Charlotte, véritable garçon manqué et forte tête, originaire d'un milieu plus populaire, qui préfère qu’on l’appelle Charlie. Cheveux bruns et courts, Charlie déteste tout le monde, y compris elle-même. Elle déteste surtout que sa mère se soit remise en couple avec un autre homme (qu’elle déteste) et qu’elle ait désormais infiniment plus d’attentions pour lui que pour elle. Elle se sent exclue, inutile, mal aimée, et fait donc tout pour qu’on la remarque. Au collège, Charlie traine avec un groupe de mauvais garçons, qui passe leur temps à houspiller et harceler les plus faibles, dont Astrid. Devant les autres, Charlie participe sans vergogne à ce harcèlement de chaque instant. Mais une fois qu’elle est isolée avec Astrid, les deux fillettes font un pacte de sang. Elles se promettent de se suicider ensemble, en se jetant du haut de la falaise, avant le vendredi midi. Car elles sont nées le même jour et elles refusent de survivre à leurs 13 ans, dans ce monde qu’elles détestent et qui les déteste. Elles se le jurent avec une conviction inébranlable : vendredi avant midi, elles vont sauter…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ça commence par une promesse coup de poing. Deux pré-adolescentes se jurent le suicide commun avant la fin de la semaine, en se jetant depuis le haut de la Falaise et elles mettent toute la force de leurs convictions dans cette sordide promesse. Dès lors, chaque chapitre titré par un jour de la semaine raisonne comme un coup de gong pour un compte-à-rebours morbide. L’autrice Manon Debaye, pour qui il s’agit du tout premier album de bande dessinée, utilise ces cinq journées pour nous faire découvrir les origines intimes du mal-être de ces deux gamines, aux tempéraments très différents. L’une est blonde, féminine, rêveuse et bêcheuse ; l’autre est brune, garçon manqué, en révolte permanente et insolente. Un point commun les réunit pour leur destination finale : toutes deux se sentent mal-aimées, mais pour des causes différentes. Aucune des deux ne voit d’issue positive à leur condition, hormis la mort qu’elles souhaitent embrasser avant leurs 13 ans. On ne vous racontera évidemment pas la fin ici, mais on vous promet une lecture d’une grande intensité, jusqu’au bout. Sur un dessin stylisé et réalisé comme aux crayons de couleurs, Manon Debaye décortique avec subtilité les psychologies de cet âge critique et elle réussit à procurer beaucoup de tensions dans le découpage, sans artifice. Pour une première BD, chapeau ! La preuve d’une grande maîtrise narrative. Une jeune autrice à suivre…
