L'histoire :
Au Danemark, par une nuit de printemps en 1885, nait la petite Karen Christentze Dinesen, tout de suite surnommée Tanne. Autour de son berceau, sont réunies sept fées. La première, Friedrich Nietzsche, lui apporte Ainsi parlait Zarathoustra. Il lui présente les métamorphoses de l’esprit que sont le chameau, le lion et l’enfant. Il cherche à la convaincre que la morale chrétienne, le péché, tout ça, ne sont que des mensonges. Il affirme que seul le destin compte, et qu’il faut l’embrasser pleinement. « Ouais ouais » dit la deuxième fée, un lion qui lui offrira l’occasion de le rencontrer pour qu’elle contemple sa nature sauvage dans le jaune de ses yeux. Ça lui donnera le goût du défi, le désir de triompher du danger. La troisième, Shéhérazade, lui conseille d’apprendre l’art de conter, cela pourra lui sauver la vie. La quatrième, le Diable, l’informe qu’il saura bien venir la taquiner et commence par lui souhaiter un chemin semé d’embûches ! Ce qui interpelle Nietzsche et le Lion. Puis vient une nouvelle fée, William Shakespeare, qui lui offre le pouvoir de l’imagination, puisque la vie n’est rien sans elle. La sixième fée, un roi africain, semble être la seule à vouloir apporter de la sagesse à la petite Karen en lui rappelant de ne jamais oublier d’adorer le soleil. Enfin, la septième et dernière fée, la cigogne, s’apprête à déclamer son discours… mais elle est interrompue. Son histoire aura son heure, plus tard dans le récit. Pour l’instant, son père déclare qu’elle commencera d’abord à apprendre le nom des oiseaux. Allez, tout le monde dehors. Sur quoi, sa mère arrive, sermonnant son époux : « Ne laisse pas tes idées saugrenues lui envahir la tête ! » il est temps que Karen se repose.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Roman graphique en l’honneur d’une femme hors du commun, La lionne raconte la vie de celle qui écrivit Out of Africa, Karen Blixen. Avec son aquarelle aux tons pastel, Terkel Risbjerg donne à l’image une note désuète en accord avec le genre. Minimaliste et pâle, le dessin granulé au Canson ourle le récit d’un halo onirique. Au début du XXème siècle, au Danemark, la bourgeoisie est conservatrice et austère, Karen doit sa soif de liberté à son père qui fut un aventurier insatiable. Les diverses influences qui orientèrent sa vie sont figurées à travers les fées, illustration originale des maîtres à penser qui traversèrent son existence. Le scénario imaginé par Anne-Caroline Pandolfo autour de cette histoire vécue, délivre un message d’ouverture à la vie par des choix qui osent transgresser les usages de « la bonne société ». Romanesque et délicat dans son approche, le traitement de cette biographie suit un rythme lent qui prend son temps au fil des presque 200 pages qui composent l’histoire, celle de la double difficulté que rencontre une femme qui veut sortir des sentiers battus : s’affranchir des carcans de la société et être une femme au début du XXème siècle, dans la bourgeoisie danoise pieuse, qui plus est. Forcément, malgré l’intensité de la lutte de cette femme, ça ne déborde pas d’action, le récit est émaillé de paraboles et de métaphores qui forment une morale philosophique, celle qu’a suivie Karen Blixen au long de sa vie. Une femme honorable, qui mérite, à juste titre, que l’on rappelle à notre époque qu’il y a 100 ans, nous étions encore au moyen âge, en quelque sorte. L’influence de la chrétienté sur la société, à ce moment, rappelle que la religion est plus souvent néfaste que libératrice. Ça a toujours été le cas, aujourd’hui autant qu’hier. Ce sont juste les Dieux qui échangent leurs places sur le podium de la bêtise humaine.
