L'histoire :
En 1765, Diderot, qui vient d’achever son lourd labeur pour L’Encyclopédie, compte s’adonner sans honte au repos futile. Aussi prévoit-il de réserver une chambrette tout confort au « Bed and Breakfast » de son amie Catherine II de Russie. Mais le gîte est complet. En particulier, il est occupé par son copain Friedrich Melchior Grimm, qui dirige « La Correspondance Littéraire », une revue à l’intention des souverains étrangers cultivés. Qu’à cela ne tienne : Diderot annule ses vacances et profite des congés de son ami pour s’occuper de la revue et y faire passer quelques unes de ses idées. Une bonne occasion, en tout cas, de développer une activité de critique littéraire et artistique. Ses Salons livrent alors des comptes-rendus enthousiastes, techniques et poétiques des expositions de l’Académie des Beaux Arts. Une belle manière de montrer, sans doute, que peinture et littérature font bon ménage. Delacroix, Georges Sand, Théophile Gautier, Baudelaire, Zola ou encore Proust, Balzac et Picasso ne tarderont pas également à le prouver…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après avoir retracé, avec une joyeuse impertinence et une mine de bonnes trouvailles, l’Histoire des belles-lettres du moyen âge à nos jours (Mes hommes de lettres chez Sarbacane), notre sympathique pensionnaire de Charlie Hebdo complète ici ses gammes en un examen des relations entre peinture et littérature. Dynamique comme tout, caricatural juste ce qu’il faut, usant de l’anecdote à gogo pour mieux nous captiver, l’ensemble s’amuse, sous le trait punchy de Catherine Meurisse, à mettre en scène les mécanismes de cette douce connivence. Rien de mieux, alors, que d’observer d’un œil taquin, chapitre après chapitre, les plus célèbres de nos plumes, nos plus éminents pinceaux pris dans le jeu de cette troublante relation. Tantôt les uns joueront les critiques, d’autres y puiseront une mine d’inspiration ou scelleront de solides amitiés. Tous, en tous cas, se rendront particulièrement perméables à cette expression artistique différente (qu’ils soient peintres ou écrivains) pour assoir leur talentueuse créativité. Voilà donc une belle manière de rendre évidentes les connexions entre exposés au Louvre et adulés à l’Académie Française (c’est justement le Pont des Arts qui relie les deux bâtiments…). Une nouvelle fois, Catherine Meurisse use avec frénésie de l’angle humoristique pour valoriser son propos. C’est d’ailleurs souvent plutôt habile, même si parfois l’ensemble emprunte peut-être les voies savonneuses d’un méli-mélo bavard (anecdotes réelles, fictives ; saillies humoristiques caricaturales ; citations d’auteurs…) et un brin speedé. Quoiqu’il en soit, l’ensemble se veut particulièrement intéressant et divertissant. Une belle façon d’associer culture, savoir et plaisir… l’air de rien.
