L'histoire :
Après avoir éclusé tout un tas de petits boulots pénibles ou dégueulasses, Jeb en a eu marre de se faire exploiter. Il a pris sa vie en main et un virage radical. Avec un bout métallique de suspension de camion et un nœud de bois bien dur, il s’est usiné son propre couteau. Et la première fois qu’il a utilisé ce couteau, c’était pour planter un gros porc qui a abusé de lui, sexuellement. Plusieurs coups portés au ventre, un dernier au plexus, puis ablation des parties génitales : un protocole qui allait devenir sa signature. Car depuis lors, Jeb tue des homosexuels qui cherchent des relations tarifées. Sa vie n’est qu’une fuite en avant basée sur cet objectif. Il se laisse draguer, emmène le client à l’hôtel, le plante, pique son fric, prend tranquillement une douche et part reproduire ce schéma ailleurs. Un jour, alors qu’il consomme une Bud au zinc d’un bar, une grosse pute vulgaire le drague lourdement. Jeb l’éconduit froidement puis, devant son insistance, il lui tord le petit doigt. La pute s’énerve et appelle le patron à la rescousse. Une rixe s’engage... Jeb finit par planter le patron avec son couteau. Au moment où la pute tente d’intervenir, la nièce du patron vient à la défense de Jeb et colle une balle de revolver dans le crâne de la grosse. Elle se prénomme Bess et elle va désormais suivre Jeb dans son road-trip sanglant...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans ce one-shot publié par Sarbacane, Jeb et Bess forment un couple de jeunes tueurs en pleine fuite en avant, à la manière des Bonnie et Clyde des années 30 américaines, mais dans l’Amérique contemporaine et désœuvrée. Ils calculent à court terme, bougent sans cesse, suivent un protocole expérimenté de meurtres et sont traqués par une femme flic aussi blasée que froide. Malgré l’épaisseur du volume, leur destin sera bref – le titre est sans ambiguïté. Sur un mode narratif de récit chorale, Emmanuel Moynot répartit et entrecroise les séquences en 20 chapitres, répartis par paires en 10 « faux » fascicules de comics book. Entre chaque, un titre, une illustration pleine page (la couverture du « fascicule ») et un suspens façon puzzle, s’agissant de découvrir comment les personnages vont se rencontrer. La psychologie des personnages et leur finalité sont certes un peu gratuites – ce sont des psychopathes sans scrupules comme on en croise souvent à travers les polars – mais le ton noir et misanthropique est efficace, notamment grâce à des dialogues et voix off sans concession. Le dessin encré noir et blanc, juste rehaussé par une teinte variable en aplat et en bichromie, est parfaitement en phase avec la tonalité désabusée et crépusculaire. No direction, no future, mais un réel plaisir de lecture pour les amateurs de thrillers hard boiled (à réserver aux adultes).
