L'histoire :
Dans la pénombre, une porte s’ouvre. Deux hommes pénètrent dans la pièce humide, une corde à la main. Ils ouvrent la cage, passent la corde autour du cou de Ziyi et l’assomment d’un coup de pelle. Ziyi est une étrange petite créature, informe et poilue, dotée d’une tête ronde innocente, opprimé par de rares humains survivants dans un monde post-apocalyptique. Dans une forêt, les hommes fond un feu de camp pour la nuit. Ils y font rôtir des brochettes… d’enfants ? D’autres Ziyi ? Qu’importe : Ziyi a droit d’en dévorer une. La nuit venue, il parvient à défaire le nœud autour de son cou et à s’enfuir. Il est libre ! Il court parmi les hautes herbes, en suivant les papillons. La rencontre avec un tronc d’arbre fait choir à ses pieds un oisillon tombé du nid. Zut : Ziyi s’en veut d’être à l’origine de cet accident mortel. Il poursuit sa route, juste avant que deux furets se jettent sur la dépouille de l’oisillon. Ziyi arrive dans une ville en ruine. Des cadavres rongés par les vers jonchent les rues. Des chiens affamés aboient sur Ziyi… qui s’enfuit dans une maison. Incroyable : là se trouve une fillette en vie, avec laquelle il sympathise aussitôt ! Trop content d’avoir de la compagnie, il la léchouille sur le visage. Ensemble, ils partent jouer à la balançoire et se mettent en quête de nourriture…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette curieuse fable post-apocalyptique et totalement muette est proposée par Jean-Luc Cornette (au scénario) et Jürg (au dessin), chez le petit éditeur indépendant Scutella. Qu’est-ce donc que cette drôle de créature duvetée baptisée « Ziyi » : un être mutant ? Un extraterrestre ? Qu’importe : on doit juste retenir qu’il est innocent, tendre, inoffensif et qu’il se retrouve à devoir survivre dans un monde à l’opposé total de sa nature profonde : un avenir proche, post-apocalyptique, décharné et cruel à tous points de vue. En effet, à l’exception notable d’une demeure bourgeoise suspecte, les villes sont en ruine, les animaux redevenus sauvages et l’humanité hargneuse. Ziyi tente de recouvrer la liberté et il va aller de désillusion en désillusion, au grès de ses rencontres. Autre signe d’un avenir ténébreux : le chapitrage à la numérotation inversée, comme si nous convergions à rebours vers un zéro absolu et nihiliste. Pas un bruit, pas un dialogue, pas une onomatopée ne vient ponctuer le silence de mort. Cette allégorie pessimiste s’appuie sur un noir et blanc propret et semi-réaliste, à l’encre de Chine, prenant place au sein d’un gaufrier régulier de 6 cases par planche. Faut-il y voir une métaphore de nos destinées – individuelles ou collectives – sur notre bonne planète ? En tout cas, cet album interroge et laisse un puissant et poisseux sentiment d’angoisse…