L'histoire :
On prétend qu’Emmy Hyacinthe Muffin est un peu sorcière, et pourtant… On prétend qu’Emmy Hyacinthe Muffin a de drôles de manières, et pourtant…Certes, la petite, pendant son sommeil, par une nuit sans lune, laisse une grosse araignée brune se faufiler le long de sa gorge menue. Certes, avalée, la nouvelle locataire produit chez l’enfant quelques effets qui pour le commun des mortels auraient tôt fait d’affoler, de faire crier ou pleurnicher : ses cheveux ont désormais pour terminaisons une multitude de petits serpents dont elle s’accommode plutôt gaiement, mais pour autant… Qu’elle offre pour les 13 ans de sa Marcelline, chatte de gouttière, une pâtée fourrée d’un œuf de veuve noire n’est pas signe de cruauté : elle souhaite pour son petit animal un changement aussi agréable que fut le sien. Et si la petite Marcelline au levé du jour meurt de ne pas avoir supporté le traitement, c’est peut-être simplement pour offrir à sa maitresse le plus étrange des cadeaux…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce petit conte subtilement illustré ouvre le nouveau label Venusdea créé par Barbara Canepa (auteure entre autre de Sky Doll et directrice de la nouvelle collec’ Métamorphose chez Soleil) et ayant pour concept le mariage d’un beau livre et d’un jouet (faut normalement dire toy ça fait plus mieux) non moins joli. Pour ce qui est du joujou (par contre là faut pas dire totoy ça fait nettement moins bien) conçu par Ciou, il faudra un peu attendre : une édition spéciale livre/toy (ou book/jouet, c’est vous qui voyez, maintenant) verra le jour en mars prochain… Ceci étant dit, remarquons que ce petit recueil vite absorbé (60 x 2 lignes de textes à gauche pour 60 dessins en vis-à-vis) se suffit amplement à lui-même : la science du conte ayant du frapper Guillaume Bianco de sa divine foudre, le récit de l’aventure atypique de sa petite Emmy est un régal de poésie subtilement malicieuse, teintée de cruauté. Le bougre se joue même aisément de la rime (s’il vous plait avec traduction anglaise pour justifier la place internationale de ce nouveau label) pour une parfaite musicalité de la fable : une histoire peut être subtile métaphore (pour ceux qui veulent toujours tout interpréter) du rapport castrateur parent / enfant, mais il s’agit plus d’une esquisse qu’une réelle volonté de laisser à tout prix un message. Guillaume Bianco s’est plutôt laissé guider par l’univers si particulier de l’étonnante Ciou : une griffe oscillant ente ombres chinoises, trait gothique et « lowbrow art » qui a guidé instinctivement son récit. Un dessin riche de poésie et qui, un peu à la manière de Tim Burton, laisse libre cours au fantasme et à l’excentricité. Un beau livre pour une histoire subtilement contée, peut être un peu court, pas forcément tout public, mais très bien fait.