L'histoire :
Au XIXe siècle, Nathaniel Phips, un gentil artiste peintre, habite New Fordwich, une ville portuaire malfamée de Nouvelle Angleterre. On le croise d'ordinaire sur les marchés, en train d'acheter sa pitance (du poisson !) ou installé avec son chevalet dans un coin de campagne, en train de peindre un paysage. Sa bonhomie dénote franchement avec la menace qui pèse chaque nuit sur New Fordwich. Car le révérend Peadody, le capitaine de police Mather et le docteur Blake doivent faire face à une épouvantable série de meurtres. Les victimes de ce qui semble être un serial killer sont uniquement des femmes, tantôt tuées par balle, tantôt égorgées, tantôt poignardées... mais sans mobile apparent. Ce jour là, Phips est aux premières loges, au bord d'un chemin, lorsque le mystérieux meurtrier câgoulé s'en prend à une mère et sa fille, fraichement débarquées sur le nouveau continent. Il tente de s'interposer mais écope lui aussi d'une balle dans le bide. Peu après, l'on découvre les deux corps ensanglantés et la fillette terrée dans un buisson, atone. Considéré comme mort, Phips est déposé sur la table du légiste, en compagnie de la femme assassinée. Il reçoit alors la visite d'un spectre de charme... et se met à tousser, plus tard, lorsque le médecin commence son autopsie ! C'est un miracle, il est sauvé ! Dans les semaines qui suivent, il bénéficie des soins d'une infirmière à domicile. Une fois remis de ses blessures, Phips prendra les pires risques pour tenter de démasquer son meurtrier. Le spectre, qui continue de lui rendre visite la nuit, lui donne l'impression d'être invulnérable et il se mue donc en justicier, enfilant un masque de pygargue (aigle)...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Savez-vous au moins ce qu'est un Pygargue ? Roooh... C'est une espèce d'aigle à tête blanche, scientifiquement répertorié sous le nom d'Haliaeetus Leucocephalus (bande d'incultes). Pour autant, le scénariste Jean-Luc Cornette ne se livre pas, à travers cette nouvelle série, à une vulgarisation ornithologique : le rapace sert ici de costume de scène à un gentil artiste peintre, que rien ne prédisposait à devenir justicier masqué. Le contexte historique est celui des premiers colons américains, comme dans Le centre du Nowhere... les incidences burlesques en moins. Mué en Pygargue, le héros sans charisme Phips y résout une affaire de meurtres en séries, au cours d'une première « enquête » qui n'a pourtant pas grand chose à voir avec le polar. Car le ton fantaisiste et léger, propre aux oeuvres cosignées par Cornette et Constant, est une nouvelle fois de mise. Michel Constant déroule en effet sa patte semi-réaliste et humoristique, peu en phase avec le registre du thriller. Cette veine bien en marge de la production préformaté actuelle fait la plus-value de l'album, mais trouve aussi ses limites : elle a pour conséquence d'emprunter une nouvelle fois un non-rythme. Malgré le sordide des meurtres qui pourraient évoquer Jack the ripper, malgré l'épouvante qui pourrait surgir des aspects fantomatiques ou sanglant, on ne frissonne jamais. On suit plutôt agréablement ce gentil justicier sans prétention, sans s'étonner plus que cela de le voir palabrer lyriquement avec une démone de charme. Peut-être prendra t-il plus d'épaisseur dans une prochaine aventure ?