L'histoire :
Darrell Standing écrit du fin fond de l'obscurité de sa cellule. Il raconte comment sa vie a basculé en 1906, le jour où il a assassiné son collègue, le professeur Haskell. Darrell avait un don : il savait repérer la fertilité de la nature, reconnaître une terre riche et si une vache peut ou non produire du lait. Il est donc devenu ingénieur agronome en Californie, puis professeur à l'école d'agriculture universitaire. S'il remonte au plus longtemps qu'il se souvient, il peut aisément dire que nous sommes tous assaillis régulièrement par des réminiscences obscures du passé. Il a même la sensation de ressentir parfois les comportements et pensées des hommes dans d'autres époques anciennes. Quand il était enfant, il se voyait déjà fils de roi au Moyen-Age, fils de putain en Angleterre et fils d'esclave dans les plantations. Ce sentiment étrange est aussi étrangement familier que cette colère sourde qui l'envahit parfois. Celle qui l'a amené à commettre l'irréparable : le meurtre de sang ! Finalement, qui sommes-nous ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Riff Reb's réalise sa deuxième adaptation d'un roman de Jack London. Après Le loup des mers, il s'attaque au dernier roman de l'écrivain anglais paru en 1915, qui dénonce le système carcéral américain. Ce livre fort marquera les esprits et provoquera un changement de système dans les prisons. Ce choix d'adaptation sonne comme une rencontre logique et inévitable dans la carrière de Riff Reb's. Il faut dire qu'il y a tout dans cette histoire : du social et un engagement politique fort, de l'humain et des passages poignants, du fantastique et de l'aventure. Le prisonnier, qui subit toutes les humiliations possibles et inimaginables, s'évade comme il peut en utilisant la puissance de son esprit et de son imaginaire. La beauté du texte rime parfaitement avec la force du style de Riff Reb's et on est soufflé d'entrée par une œuvre remarquable et de grande qualité. Beaucoup d'épisodes sont marquants et le texte est d'une finesse et d'une simplicité rares sur un sujet pourtant bien lourd. Le travail d'adaptation est donc particulièrement réussi. Le dessin se substitue également aux mots dans des cases de toute beauté. Riff Reb's n'a pas son pareil pour camper n'importe quelle situation et ambiance. Les couleurs changent suivant la scène mais elles sont toutes envoûtantes et nous basculent dans tous les univers possibles. L'œuvre lui permet en plus de changer de genre comme d'époque et représente un sacré exercice de style. Avec un sujet aussi difficile, Riff Reb's et Jack London transfigurent la vie. Comme l'avait presque dit Baudelaire, donne-moi ta boue et j'en ferai une étoile...
