L'histoire :
Au cœur de la seconde guerre mondiale, dès lors que l'état français accepte de signer une armistice, l'Alsace et la Lorraine sont considérées comme pleinement incluses au territoire allemand. Vers ses 18-20 ans, Louis Fisher n'a pourtant rien d'un nazi. Il porte la doctrine du Reich en détestation, il se sent d'autant plus français qu'il trouve l'idéologie haineuse et nauséabonde. A table, les discussions politiques avec son père Kléber sont houleuses : pro-germanique, son père a perdu un bras en servant l'Allemagne en 1917, tandis que Jean, son frère ainé, est mort pour la France en 1940. Par respect pour leur mère, ils finissent en général par calmer les débats, mais ils restent néanmoins chacun sur leurs positions. Louis ne fait pas de politique pour autant : à vrai dire, son véritable centre d'intérêt du moment, c'est Anette. Anette qu'il rejoint régulièrement dans sa chambre, la nuit venue, bravant le couvre feu, les rondes militaires et le molosse de ses parents. Charmée par le romantisme dont fait preuve le jeune homme, celle-ci montre toutefois une vertu plus fluctuante. Pragmatique, elle envisage un mariage d'intérêts avec Justin Kopf, le fils d'un associé de son père. Cela ne l'empêche pas de se donner à Louis... et les deux jeunes gens sont surpris, au terme de leurs ébats, par le frangin, Léon, ennemi intime de Louis. Après une bref combat, Louis en fuite se fera arrêter par une patrouille de gendarmerie. Heureusement, Kléber, le père, a des relations..
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
S'agissant de la seconde guerre mondiale, les récits héroïques et romantiques sont évidemment beaucoup plus politiquement corrects selon le point de vue des résistants que celui des SS. C'est pourtant sous cet angle original et peu couru que le scénariste Thierry Gloris s'attaque à une nouvelle série romantique et historique, inspiré par son propre passé familial. Bien loin des aspects ésotériques et/ou spectaculaires de ses récents Codex angélique, Saint Germain ou Waterloo 1911, Gloris se frotte à un travail de mémoire didactique, qui sonne très juste dans les émotions et les évènements. A travers l'expérience de ce jeune alsacien qui n'a vraiment pas envie de devenir SS, le propos démontre qu'il est possible d'accorder une forme de rédemption aux tortionnaires des années 40, en contrepied au manichéisme habituel du registre. Les dialogues sonnent juste, la psychologie des personnages est au diapason, les émotions palpables... Or, les qualités narratives de cette mise en bouche se complètent d'un superbe dessin réaliste, en couleurs directes, signé Marie Terray, pour qui il s'agit du premier véritable album (chapeau !). La somme de ces aspects (occupation, émotions et couleur directes) rapproche le premier tome de Malgré nous des célèbres diptyque de Gibrat (Le sursis, le vol du corbeaux), ce qui n'est pas la moindre des références, la réflexion politique en prime...