L'histoire :
1942. Toute l’Europe est sous le joug nazi. Louis Fischer a 20 ans et toute la vie devant lui. Sa tête est pleine de rêves, son appétit de vivre est insatiable. Mais Louis est alsacien et personne n’est capable de lui dire à qui appartient sa terre natale. Sa famille, tour à tour allemande et française, a payé durement ces changements politiques. Louis se sent français et doit pourtant germaniser son prénom en Ludwig. A l’université, Louis se fait arrêter pour trouble à l’ordre public. Il se retrouve face à l’Oberlieutnant Conrad Höffer. Celui-ci a passé de longues années en maison de correction pour homicide involontaire… sur dénonciation de Louis. Conrad Höffer lui propose un marché : soit il s’enrôle dans l’armée allemande, soit sa famille est déportée et lui avec. Louis choisit la première option. Il se retrouve engagé dans la campagne de Russie. Là-bas, il est confronté aux affres de la guerre : un de ses rares amis du contingent meurt sous les balles bolcheviques ; les principes de l’armée où l’ennemi n’a aucune importance et ne mérite aucun traitement de faveur ; une jeune prostituée prénommée Olga qui cherche à lui faire oublier Anette, son amour de jeunesse… Il est bien loin le temps de l’insouciance.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les « Malgré Nous » sont des Alsaciens ou des Mosellans enrôlés, à l’insu de leur plein gré, dans la Wehrmacht. Après-guerre, ils eurent toutes les peines du monde à se défendre. On leur reprochait de ne pas s’être révoltés, alors qu’ils avaient été obligés de combattre pour l’Allemagne, sous peine de représailles sur leurs familles. Ils furent vivement condamnés par la France qui les a considérés comme des collabos. Cet épisode de la seconde guerre mondiale fut minoré par l’Histoire. Le tandem Thierry Gloris / Marie Terray nous rappelle judicieusement ce douloureux passé où l’identité est troublée. Car après tout, il n’y a rien de pire pour un être humain que d’être ballotté entre diverses identités, au point de ne plus savoir qui il est. Les Alsaciens et les Mosellans n’avaient rien demandé, mais la folie d’un moustachu en a voulu autrement : « Qu’avais-je pu bien faire au bon Dieu pour me retrouver dans un tel merdier ? » pense sobrement Louis. Dans le tome 2, Louis Fischer a quitté son Alsace natale pour les steppes russes, où il traque les bolchéviques, avec des jeunes embrigadés comme lui ou des russes « anti-rouges ». Le talent de Gloris est de nous faire vivre les ressentiments de Louis (« Obéir et faire corps est le seul moyen de survivre, Hitler m’a suffisamment volé ma vie pour que je lui refuse ma mort »), ses peurs, ses envies, ses rêves au moyen d’un texte off, précis et juste. Le dessin enlevé de Marie Terray, sublimé par des couleurs douces (toujours signées Marie Terray) contraste avec la gravité du récit. Un vrai régal pour les yeux et le cerveau. Malgré nous Osfront mérite d’avoir une place de choix dans votre bibliothèque. Vivement le prochain tome, histoire que la collection soit complète…