L'histoire :
Peer Gynt est un jeune paysan, paresseux et rêveur, qui rêve d'une vie idéale et inaccessible, qu'il réussit à atteindre à travers le mensonge. Mais son entourage n'est pas dupe, et ses beaux discours rendent sa mère folle de rage. Il aurait pu avoir la main d'une honorable fille de propriétaire, il aurait pu être fiancé à l'heure qu'il est. Au lieu de cela, il s'est défilé, préférant l'attrait de l'aventure. Seulement, lorsqu'il en discute avec sa vieille mère, il prend conscience qu'il veut devenir roi et reconnu ! Il aspire à l'ascension sociale, il veut quitter cette campagne sordide. Alors il se met en route pour reconquérir le cœur d'Ingrid, cette fille de propriétaire, promise à un autre homme. En arrivant sur les lieux de la noce, il s'aperçoit qu'il n'est pas le bienvenu : chacun a des raisons de vouloir lui faire la peau. Il y croisera tout de même deux personnes qui changeront sa vie et son destin. La première est une jeune fille respectable et vertueuse, nommée Solveig. Leur brève rencontre le marquera profondément. La seconde personne, est le futur époux, promis à Ingrid. La mariée refuse de lui ouvrir, le mariage est retardé et menace d'être annulé. Peer Gynt lui propose son aide, que le brave homme démuni, va accepter sans sourciller. Cependant, rien ne va se passer comme prévu. Peer Gynt réussit certes à faire sortir la mariée... Mais elle se trouve sur son dos et il fuit vers la lande, en enlevant la belle...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce nouveau titre est en adéquation avec l'essence même de la collection Métamorphose. On y retrouve à travers le scénario, une transformation du protagoniste, une quête initiatique qui va changer Peer Gynt, et graphiquement, l'univers est sombre, particulier, atypique. L'auteur Antoine Carrion, qui avait signé les bandes dessinées Temudjin et Nils nous donne ici son interprétation du personnage. En s'appuyant sur la pièce de théâtre originelle d'Henrik Ibsen, il façonne un univers graphique tout en conservant le caractère poétique du texte. A la lecture de l'ouvrage, nous percevons les origines théâtrales, mais aussi les origines historiques et géographiques. Les décors et les personnages nous plongent dans une ambiance romantique, placée dès les premières pages avec une réinterprétation de l'un des plus célèbres tableaux de cette époque, Le voyageur contemplant une mer de nuages de Caspar David Friedrich. Nous comprenons que nous sommes dans un milieu paysan des pays nordiques, avec les paysages montagneux ou enneigés présents durant toute la lecture. Cependant, contrairement à des textes très ancrés dans un réalisme de leur époque, le fantastique prend ici le dessus, et nous croiserons quelques trolls ou sorcières en chemin. En reprenant toutes ces inspirations, Antoine Carrion replace l'histoire dans son contexte, tout en réussissant à s'en affranchir. Nous noterons tout de même une nuance dans le traitement des paysages, très voluptueux, brumeux et détaillés, et dans celui des personnages, qui apparaissent quelque peu simplifiés par rapport aux décors complexes. Tout au long du récit, nous allons suivre les pérégrinations de Peer Gynt, qui aspire à un autre avenir et à une vie de bohème. Héros romantique par excellence, il va errer, solitaire, fuir les situations complexes, va vivre de grandes souffrances, en restant toujours en lien étroit avec la nature. Ce premier acte nous permet de cerner l'importance des nombreuses figures féminines qu'il va croiser, comment elles vont le façonner en tant qu'homme, qu'elles aient été maîtresses, amoureuses ou mères. Une découverte intéressante de cette pièce de théâtre, à travers un autre média, qui utilise le noir et blanc exclusivement pour capter la noirceur et l'ambivalence de ce personnage romantique, figure de l'anti-héros.
