L'histoire :
Dans cette BD expérimentale, Gir, le héros, est profondément perturbé par le fait de ne plus fumer de l’herbe alors que tous les personnages de ses séries (Blueberry, Le Major Fatal, Arzach) se mettent à fumer ! Le décor, c’est le bunker au milieu du désert « B » (désherber !). Un leitmotiv est la difficulté à pondre un scénario de Blueberry et le malaise avec Philippe Charlier qui a désavoué le film Blueberry et le projet 1900 (où notre militaire se drogue). Très vite, Gir s’invente un double (lui à 30 ans) et développe le postulat que l’auteur est Dieu. Autre leitmotiv, la concrétisation du rêve mégalomaniaque de Gir qui consiste à voler dans les airs. Dans le dernier opus, il redéfinit l’humour et parodie Gotlib. Il y a chez lui un complexe d'infériorité vis-à-vis des véritables humoristes ! Gir se repose les mêmes questions : Dieu existe-t-il ? Faut-il penser à faire plaisir aux lecteurs ? Pour trouver des réponses, il consulte « L’art de rêver » de Carlos Castaneda. Et il parvient à retrouver son double à 25 ans. Il le conseille, mais l’autre ne veut rien entendre. Finalement, l’auteur se retrouve avec trois doubles à des âges différents pour remettre ses personnages révoltés (qui ne font qu'une apparition furtive) au pas ! Le délire se poursuit à notre grande joie dans l’album…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Inside Moebius, l'aventure intérieure, est né de la décision de Gir (alias Jean Giraud, alias Moebius) de ne plus fumer de l'herbe. Le dessin est fait sans crayonnés et le scénario est inexistant. Gir y a mis ses impressions, ses sensations, ses rêves, ses émotions saupoudrées d'éléments autobiographiques ou d’actualité. C'est un journal de bord où il livre les réflexions nées de son sevrage tabagique. C'était l'occasion de se confronter à ses personnages en leur donnant de l’autonomie. Introspection, inconscient, dérision sont les termes qui viennent à propos du rapport entre l’auteur, son monde intérieur et ses personnages. Au niveau du lettrage, Gir fait un réel effort car c'était presque illisible dans les premiers tomes. On perçoit même l'ombre d'un scénario : l'auteur semble se soucier du lecteur et délaisse ses personnages au profit de ses doubles, afin de permettre une lecture sans pour autant devoir connaître toute son œuvre. Il est un des rares dessinateurs à se mettre en images, avec ses angoisses, ses questionnements (voir aussi Breakdowns d’Art Spiegelman et Peep Show de Joe Matt). Gir reconnaît son côté maniacodépressif : en haut il y a le rêve du bonheur et de l’amour parfait, en bas la réalité d'échec et de mort. Inside Moebius ravira les fans du maître et étonnera les autres. A 70 ans, Gir prouve, s'il est besoin, qu'il est un des maîtres incontestés du 9e art. A découvrir absolument !