L'histoire :
Un quinquagénaire à l’air taciturne vit seul dans un petit appartement. Le soir, il baisse le volet roulant et regarde un porno en attendant que la voisine, jeune et jolie, rentre. C’est l’heure où il va discrètement dans la salle de bain, retire un morceau de carrelage et mate cette voisine aux formes si généreuses, qui se douche et se masturbe. De fait, lui aussi se tripote généreusement la tige… mais ce jour-là, l’orgasme lui fait perdre l’équilibre et il choit dans un grand fracas. Largement de quoi alerter la voisine…
Le jeune Paul prétexte des devoirs pour ne pas aller à l’Eglise avec son père. En réalité, il trépigne que Sergio, le copain de sa grande-sœur Laura, toque à son carreau, car il a caché une caméra dans sa chambre. Il assiste alors en direct, depuis la pièce du dessus, à une mémorable partie de jambe en l’air. Mais Paul décide de profiter plus encore de cet avantage. Une fois Sergio parti, il fait du chantage auprès de sa sœur : il exige de se sœur qu’elle lui fasse bénéficier des mêmes prestations sexuelles qu’avec Sergio, sinon il montrera la cassette VHS à leur père ! Laura s’exécute, choquée au départ, puis de plus en plus enthousiaste…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comme le prouvent moult ouvrages du registre, les mœurs sexuelles humaines sont pléthoriques et peuvent parfois s’accompagner, chez certains sujets, de pratiques sociales déviantes… à différents degrés. Le voyeurisme et la nymphomanie, par exemple, sont des déviances, mais d’usage assez courant. L’inceste et la nécrophilie sont beaucoup plus rares et révoltants. A travers ce recueil de 10 historiettes réalisées depuis 1998 et de longueurs variables, Bernardo Muñoz s’est attaché à plusieurs de ces Déviances, sans distinction ou filtre « moral ». Ici un voisin mâte la bombe sexuelle d’à côté par un trou dans le mur ; là un frangin fait du chantage auprès de sa grande sœur pour se dépuceler. En sus de cet impudent éclectisme, la grande force de ces saynètes vient de leurs mises en situation, qui ne sont jamais des prétextes gratuits pour « montrer du cul ». Munoz prend en effet le temps de définir les contextes, les personnages et leurs obsessions, avant de les amener à s’abandonner à leurs Déviances cohérentes et on ne peut plus crédibles. Cul il y a, certes, et même de manière tout à fait explicite… Mais chacun de ces actes apparait ici rationnel, sans que leur gravité ne soit amoindrie. La séquence nécrophile est à ce titre particulièrement tragique et bouleversante : une véritable gageure que d’oser aborder ce tabou ! Or au-delà de ce savoir-faire narratif, Muñoz dispose d’une griffe artistique de haut vol. A l’aise sur tous les angles et dans toutes les postures, son encrage réaliste noir et blanc n’a rien à envier aux virtuoses de l’érotisme en BD (Manara, Frollo, Crepax…). Un petit chef d’œuvre du registre, à ne toutefois pas confier à tous les regards…
