L'histoire :
Aujourd’hui, c’est l’allégresse dans le village mexicain : on marie la belle Angelica. Les villageois festoient et dansent au son du bandonéon d’un vieil aveugle. Soudain, le mercenaire français Bob Bernard débarque avec ses hommes. Pour un prétexte, il déclenche un carnage : on viole, on tue et on engouffre les corps dans un charnier. Un seul survit, le jeune frère de la mariée, qui finira par s’extirper des chairs et du sang des siens, à jamais traumatisé. 15 ans plus tard, il débarque en France, désœuvré. Par hasard, il assiste à un combat de catch spectaculaire, remporté par « le Baron », un combattant déguisé en squelette. Le jeune homme est tout particulièrement séduit par cet « art », au point de postuler pour devenir son élève. Vieillissant, l’homme accepte et lui inculque ses prises et ses techniques d’assaut, durant de longues semaines… jusqu’à lui passer le flambeau et la tenue, sur le ring, du Baron. Un soir, alors que le Baron sort vainqueur (une nouvelle fois) d’un combat public, il a la surprise de repérer Bob Bernard dans la foule. L’heure de la vengeance a sonné : le jeune homme suit le mercenaire à travers la nuit pluvieuse, jusqu’à un cimetière, où il l’assaille. Il s’apprête à le tuer de ses mains… lorsque le vieux catcheur s'interpose : il ne faut pas se rabaisser à ce niveau de barbarie. Bob Bernard a moins de scrupules et transperce aussitôt le crane du vieux avec un crucifix. Ivre de douleur, le jeune homme parvient à jeter Bob Bernard au fond d’une tombe. Mais dans le combat, un sac de chaux vive a été renversé sur la tête du Baron. Pétri de douleur d'avoir perdu son deuxième père, il n’a pas senti ses chairs se putréfier sous l'effet chimique de la pluie. Il est désormais physiquement défiguré… et définitivement dément. A partir de ce jour, il décide de répandre sa haine sur la France, cette putain, et il signera ses crimes du nom de « Baron Samedi »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Prenant la forme d’une bonne grosse série B déjantée (assumée) et gore, Baron samedi est le premier album d’un auteur américain visiblement enragé. Ancien taulard et apparemment asocial, mais assurément talentueux, cet admirateur de Gil Jourdan montre en effet une ligne claire relativement maitrisée, en total contradiction avec le registre sordide et anarchiste qu’il embrasse. Car dès les premières planches, on est très (très) rapidement mis au pas : un massacre, un charnier, une vengeance se prépare. Et puis Dog Baker enchaine sans temps mort, et narre frontalement le destin rocambolesque de ce jeune prodige du mal, à toute berzingue, sans s’apitoyer ni perdre de temps. Le héros se mue en effet en une sorte de super-vilain exceptionnellement méchant, une sorte d’antéchrist mobilisé par une ambition ultime : ravager la France, si possible en faisant couler le sang, par hectolitres ! Il se trouve une alliée aussi dérangée sur lui, Brigitte, et ensembles, ils défient la république de l’ère gaullienne en multipliant les méfaits. Dog Baker aurait-il un compte à régler avec la France ? Bref, la référence la plus immédiate serait les films de Quentin Tarantino : pareillement, le « genre » est exploité et abusé jusqu’à la caricature, mais si on aime ça, c’en devient jouissif ! Car Dog Baker embrasse volontiers les outrances, sans détour : quand le village est massacré, le charnier prend une double planche ; et quand Baron Samedi veut asseoir sa haine, il se complait dans la fantasmagorie sordide. Charmés par cette forme de poésie et le parti-pris du récit, Didier Convard, Eric Adam et Pixel vengeurs se sont chargés de remettre de l’ordre dans une œuvre initialement assez bordélique, aussi bien dans le rythme de narration que dans les invraisemblances graphiques. Leur version a le mérite de la clarté et de la cohérence, tout en conservant la fureur et le ton grandguignolesque originels. Les dialogues ont aussi été largement rembourrés, à la française, avec tout le pittoresque que les auteurs savent montrer. Bref, une œuvre coup de poing à découvrir, sinon je vais te faire couiner comme une vieille porte cochère »…