L'histoire :
Détenu dans le village des amazones, sur le sol même d'une grotte, le Lieutenant Parker bénéficie pourtant d'un traitement de faveur. Il a été choisi par Isuke, une des deux chefs de la tribu, comme étalon, pour lui permettre de donner naissance à un enfant. Il est régulièrement amené à la rejoindre sur sa couche, même lorsqu'il est devenu évident que la guerrière est enceinte. Persuadé qu'il va pouvoir en tirer un avantage, Parker tente de maintenir son ascendant sur l'ensemble des prisonniers. Il cherche à les diriger, leur imposant une discipline militaire même dans les pires conditions de détention. Mais lorsqu'il devient évident que les amazones seront sans pitié pour les hommes qui ne fournissent pas de travail, que beaucoup d'entre eux vont rapidement y laisser leur vie, Bachir, le guide de Parker, va se désolidariser de son supérieur. A quoi bon suivre les ordres d'un lieutenant qui se berce d'illusions sur le sort que lui réserverait une amazone ? N'est-il pas évident que Parker ne dispose plus de tout son jugement, lorsqu'il voit la jeune femme au ventre arrondi ? Et Qacha, la chef attitrée de la tribu, qui n'a pas d'enfant, va-t-elle laisser Isuke et son enfant à naître prendre une ascendance sur les autres guerrières ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pas besoin de mise en place pour ce second volume – paru en même temps que le premier – qui plonge directement au cœur de son propos. La lutte de pouvoirs au sein du groupe de prisonniers, comme au cœur de la tribu amazone, se met en place de manière inéluctable. Le contexte de la guerre de Crimée ne nous est rappelé que par les troupes du général Fitzroy qui continuent de chercher leur détachement porté disparu. Mais le propos se déplace autour d'un double affrontement de personnalités, réalisant la performance d'une grande économie de dialogues, même en dehors des scènes d'action. Le talent de Clarke scénariste apparaît une nouvelle fois ici, dans sa manière d'aborder avec finesse et profondeur les dimensions de l'âme humaine. Une forme d'aveuglement parcourt le récit, tendu par les drames qui pourraient en résulter. Probablement très dirigé par son scénariste, le dessinateur Borecki déroule son style simple mais efficace, sur un découpage de haute volée. Son trait un peu raide (on devine le petit coup de main de Clarke sur les personnages féminins ?) est néanmoins agréable, les encrages et les couleurs étant pour leur part très efficaces. C'est un formidable paradoxe, pour un album de cette gravité, de garder un style de dessin semi-réaliste. Mais la surprise n'en est que plus forte à mesure que se dévoile la densité du récit. Après un premier tome de mise en place plutôt lent et progressif, ce second opus se dévore, tant son suspense est prenant de la première à la dernière page. Pour se terminer sur une image qui laisse sans voix. En menant cette carrière de scénariste exigeant, en parallèle de ses productions grand-public (Mélusine), Clarke creuse petit à petit un sillon original et très personnel. Les Amazones en est un superbe exemple...