L'histoire :
Un crépuscule comme les autres, en l’abbaye de Saint Bibin… Frère Boulu, moine bibinictin, jardinier à la bedaine pansue, récupère un pot de gras de canard auprès d’une paysanne. Celle-ci l’informe que le malin est de retour dans la région : on raconte que 6 veaux à 7 pattes et 7 cochons à 6 oreilles ont vu le jour. Son pot de gras en main, Boulu n’en a cure : avec des ingrédients de base pareils, le ragout n’en sera que meilleur ! Quelques minutes plus tard, trois mystérieux encapuchonnés arrivent à l’abbaye, missionnés par le pape Innocent Cent en personne. Ils trouvent Boulu assommé par le manche de son propre râteau (oublié sur la pelouse) et l’embarquent. Ils le réveillent au pied d’un gibet, lui demandant d’invoquer Matago, une fée mandragore, selon le rite de Pline l’ancien. Car Boulu est connu pour entretenir d’étroites relations avec les forces célestes, et ce talent particulier est présentement censé sauver la chrétienté. La Matago réveillée, elle râle un peu puis se niche dans la robe de bure de Boulu (rite de Pline oblige). Les quatre moines poursuivent ensuite leur route vers la citadelle de l’évêque Archinaze de Tarabisco. Chemin faisant, les signes maléfiques se confirment : ils croisent notamment un clocher recroquevillé sur lui-même, présentant sa croix à l’envers…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La mise en bouche de cette Légende dorée nous plonge au croisement d’une aventure médiévale parodique et d’une classique quête d’heroïc-fantasy. A la base, le registre médiéval est bien connu du scénariste (et parolier) Jean-Pierre Joblin, ancien animateur pour le dessin animé TV Robin des bois et ancien décorateur de cases pour la série Vasco de Gilles Chaillet. Ici, il emprunte plutôt les pas d’un Arleston, à la recherche d’une recette façon Lanfeust. Les ingrédients sont donc judicieusement réunis : dans un cadre grosso-modo moyenâgeux, quelques bons jeux de mots et situations amuseront (l’ascenseur pénitentiaire) ou surprendront (le vieux fou prisonnier d’une colonne de pierre !)… mais la sauce peine à devenir tout à fait onctueuse. La faute à un rythme qui manque de cadence et à un objectif final encore bien vague – ce qui doit être commode pour ménager les développements potentiels. Il en va un peu de même pour Olivier le Discot au dessin, pour qui il s’agit également du tout premier album de BD, bien qu’il ait déjà œuvré dans le milieu, en assistant Didier Convard et Christian Gine (respectivement sur Neige et Finkel). L’artiste montre un coup de crayon plutôt convaincant, avec des dispositions certaines. Tantôt truculent concernant les personnages, tantôt chiadé concernant les décors ouatés (un joli boulot de colorisation par Rauch), son graphisme trouverait peut-être toutefois ses limites dans des proportions fluctuantes et des cases bizarrement équilibrées. Mais on titille, car cet épisode d’exposition est tout de même fort plaisant à suivre.