L'histoire :
Lorsqu’il était enfant, Nick adorait un toboggan spécial dans un grand parc aquatique, qu’il appelait « le saladier ». Après bien des boucles, ce long toboggan se terminait en effet par une sorte de très large lavabo circulaire, dans lequel l’usager pouvait tourner longtemps, avant d’être finalement envoyé dans le siphon central : plouf dans la piscine située dessous. Mais si Nick appréciait cette installation, c’est parce qu’elle lui permettait, en freinant subtilement à certains endroits, de ne pas se laisser entraîner par le tourbillon, et de se poser accroupi en observateur des autres, tout contre la paroi. Toute une philosophie de la vie, que Nick trimballe toujours 15 ans plus tard. Nick se pose en effet la question de son rôle au sein de la société. Il apprécie de s’interroger sur le sens qu’il faut donner à son quotidien et les attitudes à adopter en public. Il choisit par exemple un bar triste, où il pourra jouer au mec triste et enquiller des bières tout en se faisant plaindre de son tempérament nostalgique. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de Wren, une jeune femme métis de son âge, qui cherche visiblement, elle aussi, l’âme sœur avec qui partager son spleen. Elle ne rentre pas dans la posture qu’il se donne et partage une approche en marge des convenances. Nick est légèrement bousculé dans sa démarche, mais Wren a un rencard avec un autre homme. Elle le plante au bar, non sans lui avoir payé une bière…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Illustrateur pour le New Yorker, Will McPhail met ici en scène un alter ego qui porte un regard sur la vie sociale en marge de ses contemporains. Le titre et la parabole du toboggan-saladier en introduction (voir résumé) annoncent la couleur de l’introspection. Son héros Nick, citadin millénial et publicitaire, cherche à s’extraire des relations artificielles et édulcorées. Il ne peut s’empêcher de penser qu’il existe un monde caché d’interactions humaines hors de sa portée. Il se place pour cela en dehors des sentiers battus des convenances sociales, en observateur plus nostalgique qu’amusé. C’est ainsi qu’il rencontre Wren, une jeune femme médecin et métis, qui prend elle aussi beaucoup de recul sur les relations humaines… Et la chronique de développement personnel tourne alors à la romance. Importé par les éditions 404, ce graphic novel indé et grand format se révèle au travers d’un dessin semi réaliste au lavis en noir et blanc. Agréable et juste, ce visuel est globalement académique, avec une forte propension à insister sur la rotondité des yeux pour accentuer l’expression interloquée. Lors des révélations, des rares sensations de toucher le vrai – le Graal – Nick accède à une initiation en couleurs, dans un environnement naturel poétique qui révèle le grand talent graphique de l’auteur. Malgré son épaisseur qui peut rebuter les fainéants, la lecture est très agréable, notamment grâce à sa ponctuation de scènes muettes, de regards décontenancés et de non-dits qui en disent long. Élu meilleur roman graphic 2021 par The Guardian et le Irish Times.
