L'histoire :
1935, dans une Amérique marquée par la Grande Dépression, Elliot Ness est devenu malgré lui un héros. Il incarne désormais la figure du super-flic. Il est l'Incorruptible et si ce sont les Fédéraux qui ont fait tomber Al Capone pour fraude fiscale, tout le monde sait que c'est lui qui a acculé le gangster de Chicago jusqu'à ce qu'il se fasse coffrer. Il part pour l'Ohio, à Cleveland, ville industrielle dont l'urbanisme est devenu anarchique. Comme partout, la crise a jeté des milliers de personnes à la rue et maintenant que l'activité économique repart, Cleveland charrie énormément de gens ayant espoir de retrouver un job. En quelques années, ShantyTown devient un énorme bidonville, attirant dans ses filets à peu près toutes les activités criminelles. A la demande du Maire, qui compte bien être réélu, Ness est chargé de faire le ménage et d'obtenir des résultats visibles mais à peine arrivé, il doit faire face à une série de meurtres. Corps dépecés, cadavres décapités, victimes découpées et parfois émasculées, le tueur semble semer des bouts de corps où il veut, quand il veut... Alors que l'enquête piétine, la presse s'empare de ces horribles crimes et surnomme le tueur fou « Torso », à cause des bustes que l'on retrouve, sans tête ni mains... Pas d'empreintes digitales, pas de possibilité de recours aux fichiers dentaires, cela va être difficile de le coincer...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
23 ans après que les éditions Semic aient offert au lectorat ce qui est un comics exceptionnel, c'est (enfin ! ) Delcourt qui le réédite, avec un format soft quasi identique mais un soin largement supérieur amené à la reliure. Alors à l'époque notre ami Mickaël Géraume avait déjà tout dit et du making-off de l'album et des conséquences qu'il a eu pour B.M. Bendis. Alors pour compléter à minima son avis, on vous dira qu'effectivement, la force de la narration graphique repose plus sur la composition des planches que dans le trait. Bendis, à l'époque, s'est fait tout seul et il cumule, par la force des choses, les fonctions de dessinateur et de scénariste. Mais cela saute aussi aux yeux, il écrit mieux qu'il ne dessine. Alors il compense de manière hyper créative : si les contours sont sûrement tracés sur de la photo, le noir et blanc est exemplaire pour ce qui est de l'ombre et la lumière. Le découpage des planches est parfois complètement dingue et on retrouve aussi ce qui va être un des gimmick de l'auteur (en particulier la répétition des cases, dosée à bon escient et qui sert toujours un propos). Mais le plus impressionnant, c'est qu'au fur et à mesure qu'on progresse dans la lecture, on s'enfonce jusqu'au cou dans les difficultés de l'enquête. C'est simple, après l'effet de surprise, après être complètement absorbé par le début de l'enquête, on se sent irrémédiablement embourbé, comme les flics qui mènent l'enquête et la parano qui touchera même Elliot Ness gagne aussi le lecteur. C'est même difficile à décrire, mais si on pouvait trouver une image, on vous dirait que ce comics c'est un sable mouvant... Torso, plus de 25 ans après sa parution, reste une claque monumentale. Absolument incontournable !