L'histoire :
Depuis le début de la catastrophe, le groupe de Rick n’a cessé de se recomposer. Trois nouvelles recrues ont été intégrées : le sergent Abraham Ford, le docteur Eugène Porter et la compagne du sergent, Rosita Espinosa. Une nouvelle fois, les survivants viennent d’échapper à une meute de zombies. Sur la route de Washington, ils trouvent un camion avec des matelas à l’intérieur. Ils décident d’y passer la nuit pour profiter de ce confort inespéré. Pendant la nuit, Rick, le chef du groupe, replonge dans sa folie un court instant en parlant au téléphone avec sa femme décédée. Au petit matin, les deux enfants adoptifs d’Andréa et Dale ont disparu dans les bois. Partie à leur recherche, Andréa finit par retrouver les deux garçons ou plutôt, l’un des deux. Armé d’un poignard, Billy vient en effet d’assassiner son frère Ben, sans raison apparente et sans avoir conscience de la gravité de son geste. S’engage alors un débat houleux au sein du groupe : faut-il tuer le garçon compte-tenu de sa dangerosité ? Car un garçon sain d’esprit n’aurait pu accomplir un tel acte…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le tome 11 de cette série permet de vérifier l’adage bien célèbre selon lequel « l’homme est un loup pour l’homme ». Dans cette apocalypse théorique qui n’est pas sans rappeler l’univers du roman de Cormac McCarthy, La Route, la lutte est engagée entre instinct de survie et considérations morales. En proie aux doutes et face au chaos, Rick et son groupe prolongent bien malgré eux le processus de déshumanisation entamé à Atlanta, se rapprochant toujours un peu plus de comportements sauvages et instinctifs. Cette odyssée de la survie interroge la morale face à ce qu’il reste d’humanité chez les personnages, c’est-à-dire presque rien. En plein chaos, faut-il tuer pour éviter d’être tué et sacrifier ses principes ou, au contraire, faire appel à la morale pour tenter de raisonner les individus ? Sur l’échelle de la barbarie, le duo Kirkman/Adlard atteint des sommets. Les auteurs utilisent ici un tour scénaristique macabre qui permet de maintenir la tension narrative malgré les 10 tomes déjà parus. L’atout majeur de ce nouvel épisode réside dans une esthétique de l’horreur plus posée, plus radicale, plus contemplative aussi, exacerbant la folie des personnages grâce, notamment, à la variation des cadrages et des points de vue. Les auteurs multiplient en effet images symboliques, accrochages visuels, zooms et plans d’ensemble. Sans alourdir la narration (tout fuse dans ce tome), les plans pleine-page, nombreux et dramatiques, sont là pour souligner le tragique de cette expédition. Les dessins ombragés de Charly Adlard, au service de l’efficacité narrative, viennent quant à eux suggérer ce que les figurants sont incapables d’exprimer, pour saisir au cordeau leurs angoisses et leurs peurs, celles de survivants affamés oubliant un temps leur morale. Enfin, un cliffhanger « à l’américaine » vient clore ce récit mené avec maîtrise et talent, une fois de plus. Sans doute un des tomes les plus réussis…