L'histoire :
Un homme musclé marche dans le blizzard en tirant derrière lui un traîneau sur lequel il a entreposé des fourrures. Il se rend dans la cité de Grimsvig, où il compte les vendre. Mais une fois à l’intérieur des murailles de la ville, il prend la mesure de la triste ambiance. Ici, on n’aime pas parler et encore moins aux étrangers. L’homme est alpagué et molesté par les gardes armés, lorsqu'il tente de prendre la défense d’un enfant qui joue dans la rue : un sacrilège ! Malgré l’approche des fêtes de Yule, le sombre seigneur Magnus a ainsi décrété l’austérité et la soldatesque entière s’y conforme. L’homme est aussitôt rejeté en dehors de la ville, en pâture aux loups affamés, et sa marchandise confisquée. Quelques soldats s’essaient à lui donner l’hallali. Hélas pour eux, l’homme est l’ami d’un gigantesque loup blanc qui prend sa défense. Le loup libère l’ermite de ses liens, qui se promet de revenir mettre un peu de joie dans cette civilisation perdue. Pendant ce temps, Dame Dagmar, la belle et jeune épouse de Magnus, rend visite à son fils Jonas. Celui-ci est en train de casser tous les jouets qu’on lui a offerts, et de bouter le feu à une maquette qu’il trouve minable. Aucun jouet ne trouve grâce à ses yeux, et c’est la raison pour laquelle son père les a bannis des mains des autres enfants…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans son auto-préface, le prolifique scénariste Grant Morrison précise l’inspiration étonnante de la mini-série Klaus parue aux states en 7 fascicules comics et ici réunie en un unique épais volume. Car il s’agit d’une histoire typiquement comics de super-héros, et même celle des origines fantasmées du plus universel d’entre tous. Devinette : il est capable de voyager autour du monde à des vitesses impossibles ; il dispose d’une voiture volante, d’assistants, d’une base secrète située en Arctique ; il est immortel ; il s’oblige à remplir une mission quasi impossible et bienveillante… et notamment faire le bonheur des enfants. Oui, il s’agit bien du Père Noël ! Comment cela, vous ne l’aviez pas reconnu en couverture ? Pourtant il porte un joli cadeau : un cadavre de cervidé qui dégouline de sang sur ses gros biceps… A vrai dire, nous non plus, nous ne l’avions pas reconnu. Et pour cause : l’idée originale consiste à nous expliciter l’origine de Santa Klaus via une histoire de médiéval-fantasy qui use des codes manichéens et barbares du genre. Ainsi, quand il était jeune, le père Noël était un ermite avec de gros muscles ; il ne craignait pas de se balader dans le blizzard bras nus ; et il a donc libéré un peuple du joug d’un méchant tyran qui interdisait à ses enfants les jouets, afin que son fils soit le seul à en avoir ! Vouivouivoui, ma bonne dame, CQFD. Passons sur les incohérences, les raccourcis et les séquences mélodramatiques improbables : cette partition narrative grotesque est surtout le prétexte à nous faire découvrir les talents graphiques du costaricain Dan Mora, qui a reçu en 2016 le prix Russ Manning de la Révélation, ainsi qu’une nomination aux prestigieux Eisner Awards du meilleur dessinateur en 2017, pour son travail sur Klaus. Il est vrai que son trait dynamique et mature se complaît tout particulièrement du registre médiéval fantastique. Il déborde des cases, aussi à l’aise pour les postures spectaculaires et les profondeurs sur les personnages que pour les vues panoramiques et plongeantes sur des décors enchanteurs (whaa la ville vue des toits…). N’empêche, Tino Rossi vient de se retourner dans sa tombe ...