L'histoire :
Cela fait désormais quelques générations que les Sangerye sont une famille particulière. Leur truc, c'est de chasser les monstres. Autant dire les exterminer. D'abord ce furent les Jinoos, des créatures jadis humaines que la haine a transformées en monstres... Les Sangerye les ont pousuivis dans le Maryland, au milieu du XIXème siècle, en s'attaquant aux plus pauvres, bien souvent des Noirs, puis dans les années 20, de Harlem jusqu'à Chicago. Désormais, ils doivent affronter un nouveau danger car la menace a changé. Le danger vient désormais des Inzondos des entités qui pourraient bien envahir la Terre entière. Ils proviennent de traumatismes bien souvent générés par le deuil et c'est une nouvelle fois à Harlem qu'ils s'abattent, avec une légion d'âmes en peine susceptibles de provoquer un vrai massacre. La famille Sangerye n'a pas d'autre choix que de ressortir les armes et faire front, tous ensemble. Et c'est peut-être là que réside la plus grande difficulté, car ils ont souffert eux-aussi, et comptent bien des deuils...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si Bitter Root a obtenu un Eisner Award de la meilleure série régulière, ce n'est pas seulement parce qu'elle est extrêmement spectaculaire. Ce n'est pas seulement parce que la palanquée d'artistes qui se chargent du dessin et des couleurs rivalisent de talent et arrivent à tenir une charte graphique cohérente. Ce n'est pas seulement non plus parce qu'elle met en scène l'histoire d'une famille de couleur qui chasse les monstres depuis des générations, avec une narration habile qui a recours une scène sur trois à des flashbacks. Si Bitter Root se distingue de bien des comics, c'est parce que son propos va au delà du fantastique. On trouve en effet dans ce récit une belle profondeur, puisqu'il fait appel à l'histoire des U.S.A. En l’occurrence, une de ses pages les plus sombres, puisque les racines amères du récit (et de ses personnages) remontent à mai 1921, à Tusla, ville dont les habitants se sont rendus coupables du plus grand massacre de concitoyens noirs. Tout est parti d'une rumeur qui s'était propagée en ville, accusant un jeune homme de couleur d'avoir violé une femme blanche. Deux jours de massacres s'en sont suivis. Les persécutions et crimes horribles ont provoqué 300 morts et encore, le chiffre est soumis au doute, que des chercheurs tentent encore de lever. A peu près 8000 personnes de couleurs, sur les 11 0000 que la ville comptait, ont dû la fuir, leurs maisons ayant été incendiées. Chuck Brown et David F. Walker ont ainsi écrit un récit qui revient aux origines de ce massacre. Les évènements y sont d'ailleurs relatés sous des angles différents, à chaque fois que les membres de la famille Sangerye se rappellent du traumatisme : on voit même un avion survoler un quartier et larguer des bâtons de dynamite, ce qui tient, là aussi, de la vérité historique. Ajoutez à cela une psychologie des personnages qui interroge ce qui divise ou unit une famille, la question de la foi également et vous trouverez donc un vrai propos, au delà de la castagne à tout va qui rythme ces 7 nouveaux chapitres. Bitter Root nous parle ainsi en filigranes de l'histoire américaine. Et pour aller plus loin, on trouvera dans les cahiers de fin des interviews d'universitaires, de journalistes et d'écrivains.