L'histoire :
On est en juillet 2021 et il vient de la larguer. Une véritable chute et le pire, c’est qu’elle le comprend. Depuis, elle n’a jamais été aussi mal. Cela fait longtemps qu’elle a des pensées suicidaires. Mais cette fois, elle se fait peur à elle-même. Prier Dieu pour être foudroyée, tenir un couteau pendant de longues minutes pour l’imaginer plonger dans son cou. Une seule porte de sortie, la seule qu’elle connaisse vraiment, écrire tout ça en album. C’est bien gentil tout ça mais c’est vraiment du narcissisme pur et simple. Elle peut dire ce qu’elle veut, que c’est beau de transcender la douleur, que ça peut servir à d’autres ou qu’elle apprendra sur elle-même, c’est du pur égoïsme, ni plus ni moins. Et puis, il y a une grosse difficulté : parler de mort, de dépression et de suicide, ça va vraiment intéresser les lecteurs ? Tout ça est bien compliqué, sans compter la galère pour commencer un tel bouquin. Et si on se mettait en mode cinéma ? Ah non, plutôt le théâtre, car après tout, Zoe se met un peu en scène à travers cette autobiographie ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Zoe Thorogood commence à se faire un beau nom dans le monde des romans graphiques. Elle propose dorénavant une autobiographie. Peut-être même une autodestruction tant l’introspection de Zoe au fond d’elle-même va très loin, au centre du moi, un moi plus abyssal et effrayant que le centre de la Terre. Dès le début, la jeune artiste choque en parlant de façon ouverte et brutale de dépression, de solitude, de mal-être, de suicide… Incarnée par un démon grimaçant et omniprésent, la mélancolie aura été rarement traitée de façon aussi brute et sans filtre. Besoin d’expulser la souffrance ? Volonté d’aider les lecteurs/ trices sous forme de catharsis ? Toujours est-il que l’écriture se cherche elle-même et part dans tous les sens, comme pour souligner le désordre intérieur. Le début est à ce titre un modèle du genre avec une narration en apparence totalement décousue, qui réfléchit sur elle-même et qui se déteste elle-même, par sa complexité et son non sens ! Cette vision éclatée de la réalité colle parfaitement à la vision de la vie noire et désabusée de l’écrivaine. Pourtant, une chose et une seule la sauve et nous sauve de cette descente dans le néant existentiel : l’art. Et dans ce domaine, Thorogood est touchée par la grâce. Autant elle se sent maudite et condamnée à souffrir éternellement, autant son style graphique est réjouissant et plein de vie. On a un fort contraste entre un propos dur et sans espoir et une forme totalement déjantée avec des dessins qui alternent caricatures, réalisme et photos. Malgré son propos mortifère, cet album est un puissant cri vers la vie !
