L'histoire :
Octobre 1941. La petite ville de Barnstable, dans le Massachusetts, accueille l'asile de Sandsid. Les deux vigiles qui effectuent les tours de garde la nuit autour du vaste domaine, sont en train de rire de l'alerte que leurs chiens ont donnée, car deux ados se sont aventurés à se galocher non loin. Sûrement le goût du frisson, avec celui des premiers émois amoureux. Malheureusement ce qui suit est bien moins léger, car une énorme explosion souffle les vitres de toute une aile du lugubre manoir et un énorme incendie se déclenche. Des malades se jettent des étages, d'autres continuent à délirer alors qu'ils sont en flammes. Parmi ceux qui ne sont pas encore touchés par les flammes, Declan qui ne semble même pas réaliser l'horreur de la situation. Il erre au milieu du chaos et des victimes, le regard hagard. Il semble comme absent quand une vision s'offre à lui. Un drôle de type apparait, comme s'il sortait d'un halo flottant dans les airs et il s'adresse à lui. Son nom est Nimble Jack et il est en extase face à ce qu'il considère comme un festin. Jetant son dévolu sur Declan, il lui ordonne de refroidir...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si on évoque le thème de la folie dans les récits d'horreur, Lovecraft en est le maître incontesté. Puis c'est Stephen King qui vient à l'esprit... En matière de comics, on placera certainement l' « Asile d'Arkham » tout en haut de l'affiche, accompagné de divers titres de Richard Corben et, à la lecture de Colder, on classera cet épais Omnibus de plus de 400 pages parmi ceux qui méritent d'être cités. En effet Paul Tobin, auteur très prolifique, également romancier, nous embarque loin, très loin, dans la tête de psychotiques qui n'ont rien à envier à l'universel Joker, l'intemporel ennemi du Batman. C'est dire si son personnage de Nimble Jack est marquant. Imaginez un dandy dégingandé aux allures de bandit des années de la prohibition, donnez-lui un visage long et anguleux et une pâleur digne d'un vampire et vous aurez déjà une petite idée. Alors Colder, ça parle de quoi ? Ça parle d'une dimension parallèle, Le Monde Affamé, qui abrite de sanguinaires monstruosités se nourrissant de la folie des êtres humains. Et Nimble Jack a faim, on peut même dire que c'est un boulimique insatiable qui vient faire son marché parmi nous ! Declan, quant à lui, est un humain qu'un drôle de destin fait naviguer entre notre réalité et ce pays des cauchemars. Alors si Colder peut être vu comme une version gore et moderne d'Alice au pays des merveilles, il faudra quand même bien vous garder de le mettre dans les mains des plus jeunes, tant sa lecture est certes flippante, mais, surtout dans sa première partie, troublante. Le scénariste a en effet le chic pour vous donner l'impression d'entrer dans le crâne des esprits perturbés. Une expérience de lecture peu commune, donc particulièrement originale car son effet est amplifié par de brèves nouvelles qui s'intercalent entre les trois parties réunies dans l'album. Mais tout cela ne fonctionnerait pas aussi bien sans l'incroyable talent de Juan Ferreyra. Retenez bien son nom, car il est certain que tôt ou tard, vous le reverrez dans ses œuvres et Marvel ne s'y est d'ailleurs pas trompé en le trustant. Avec un trait élégant, une touche de caricature, un mélange d'encrage et de crayonnés et des couleurs qui embrassent toute la palette des possibles, il délivre un travail impressionnant et donne vie à de pures hallucinations, ce qui fait qu'on ne peut pas décrocher une seconde de la lecture. Alors si vous êtes chaud pour l'épouvante, ne ratez pas Colder !
