L'histoire :
Un petit animal naïf, très touchant au demeurant, avance dans un monde hostile avec la peur au ventre, l’inexpérience et la curiosité en bandoulière. Frank, petit animal sincère et honnête, évoluera dans un monde d’abord gai et enchanté. Mais la dure réalité va vite le rattraper : les lois naturelles se dérèglent et Frank voit sa maison s’engloutir dans le sol, dans un trou qui ne cesse de grandir par lui-même. Sa mission : payer la reconstruction de son logement. Pour cela, il est recruté dans une mystérieuse usine qui lui offrira un salaire en échange de son travail. Mais rapidement, Frank va dériver vers un monde chaotique, souterrain et aquatique, peuplé de créatures en tous genres, véritables menaces pour notre petit rongeur… Dans ce monde peu familier surgissent des événements inquiétants et inexplicables. Ces faits sont-ils réels, imaginaires, surnaturels ? Il émerge des monstres difformes habités par le goût de la cruauté, des hommes-créatures avides de chair fraîche mais ouverts à la discussion, des plantes animées coupeuses de têtes… Mais au bout du voyage, peut-être, la promesse d’un bonheur familial ordinaire et apaisé. Rêve ou réalité ? Petite bête sans défense sortira-t-elle indemne d’un univers sans logique, tour à tour hostile et accueillant? Autant d’interrogations auxquelles Frank n’est pas certain de pouvoir répondre…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Frank et le Congrès des bêtes, original et déroutant, constitue une plongée méthodique dans les limbes d’une conscience féerique. Grâce à un imaginaire fécond et poétique, l’opus se lit comme une invitation au voyage et à l’introspection silencieuse. Créant le doute et jouant la carte de la suggestion, Jim Woodring distille un sentiment de malaise et de peur diffus, en mettant face à face un pif naïf et des éléments hostiles souvent déchaînés (tempêtes, trous, créatures difformes…). Alors attention : la narration, sans un seul mot du début à la fin, fournira les clés d’une histoire à la fois simple et torturée, qu’il conviendra de déchiffrer par un examen attentif des images. Du lecteur, il sera exigé patience et discernement. Le sens, ce sera à lui de le créer. Vision onirique ou chronique du réel, cette histoire faussement innocente saura parler à tout lecteur. A condition d’en accepter le jeu : une bande entièrement dessinée, muette à l’envi et aux silences éloquents. Le comique de geste jouant alors la farce sur un ton grave : grimaces et mimiques d’un Franck apeuré, reposé ou joyeux, vous amuseront. Le tout est servi sur un plateau très élégant, avec un dessin magnifique à la Chris Ware, parfaitement lisible et rigoureux, faussement enfantin et absolument dépouillé. Un programme aux saveurs insolites donc, avec deux lectures possibles : l’une, candide, se concentrera sur les péripéties maladroites de Frank, l’autre, attentive, sondera la folie d’un monde inquiétant et menaçant. Résultat : les phénomènes d’abord perçus comme incompréhensibles finiront peut-être par se soumettre à une interprétation rationnelle. En chemin, le lecteur se sera perdu avec délice ! ô ivresse du dépaysement… Tour à tour drôle, mélancolique, joyeux, absurde ou dérangeant, voilà un conte philosophique plein d’émotion et de suspens, foisonnant d’allusions ironiques et de mystères oniriques, destiné aux grands enfants surtout. Une « BD » surréaliste que n’aurait sans doute pas reniée Voltaire ou Lewis Carroll.
