L'histoire :
En 1956, le monde est protégé par des super héros aux pouvoirs illimités : la famille Miracleman. Suite à une mission de sauvetage empêchant la destruction de la Terre, ils ne laissèrent plus aucune trace... Des années plus tard, en 1982, le journaliste Michael Moran se rend à une manifestation concernant une centrale atomique. Les fins de mois sont difficiles et il veut avoir assez d'argent pour subvenir aux besoins de Liz sa petite amie. Michael n'avait pas vraiment envie d'y aller et sur le chemin, il repense encore à ce damné rêve qu'il fait depuis des années et dans lequel il aperçoit un mot mais ne parvient à s'en rappeler. Sur place, il recueille quelques témoignages mais très vite, la situation dégénère. Des hommes armés coincent tous les reporters dans une salle et veulent leur transmettre un message. Michael ne se sent pas bien et alors qu'il perd connaissance, le mot lui revient : Kimota. L'instant suivant, une lumière puissante émane de lui. Son corps change, il est plus grand, plus puissant et aussi plus jeune. Il est Miracleman.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Miracleman est une série maudite. Véritablement. Tout commença en 1941, lorsque DC Comics intenta un procès à Fawcett Publishing pour l'utilisation d'un personnage nommé Captain Marvel et qui n'était autre qu'une copie carbone de leur Superman. Afin d'éviter d'énormes problèmes juridiques, il est demandé à Mick Anglo de retravailler le super héros pour en poursuivre la publication. Captain Marvel devient alors Marvelman, un justicier blond et sans cape cette fois-ci. Des centaines d'épisodes plus tard, la série tombe en désuétude jusqu'en 1982 où Dez Skinn, l'éditeur de la revue anglosaxone Warrior choisit de reprendre le héros et de le confier à Steve Moore. Le scénariste pousse alors son employeur à confier cette tâche à Alan Moore, un jeune auteur qui est fan des aventures créées par Mick Anglo depuis sa jeunesse et qui a fait ses armes chez 2000A.D.. A l'époque, Alan Moore veut absolument rendre un hommage appuyé à ce personnage qui l'a tant fait rêver. Il révise divers romans comme Gladiator de Philip Wylie ou encore les mythologies grecques et scandinaves. Le scénariste veut instaurer Marvelman comme une icone surpuissante mais tout autant attachante. Une fois le dessinateur choisi, Garry Leach, dont le style est très réaliste, Alan Moore imagine un récit calibré où chaque élément est parfaitement en place, à la manière d'un roman. Le super héros ne vit plus des aventures kitsch, il se remémore son identité spéciale des années plus tard, dans un monde moderne et bien moins naïf que celui des années 50. L'objectif de Moore est assurément de s'identifier au personnage et avec sa narration, cela se révèle parfaitement adapté. A mesure que les épisodes se suivent, Garry Leach est secondé puis remplacé Alan Davis. Le résultat est fantastique là aussi, bien qu'un peu différent. Le succès fut au rendez-vous et alors que la série est en passe de traverser l'Atlantique, elle doit de nouveau changer de nom pour éviter un procès avec Marvel, qui ne verrait sûrement pas d'un bon œil un super héros contenant le nom de l'éditeur. Alan Moore bloque cette possibilité dans un premier temps mais finit par accepter que son héros devienne Miracleman. Avec de telles qualités, la série avait tout pour s'installer dans le cœur des lecteurs, à côté de V pour Vendetta, et comme l'une des premières œuvres cultes de Moore. Mais le destin joua encore des tours à la série. Les tensions ou plutôt les incompréhensions entre le scénariste et Alan Davis sur les droits touchant leur autre collaboration, Captain Britain chez Marvel, vont conduire le dessinateur à interdire toute réédition de Miracleman. Alan Moore, dépité, donna ses droits à Neil Gaiman qui lui succéda sur le titre et jura de ne plus jamais travailler pour la Maison aux idées. Alors que l'on poussait le titre à rejoindre le tombeau des œuvres sacrifiées sur le banc de l'injustice juridique et éditoriale, Marvel choisit d'acquérir les droits en 2009 auprès de la famille de Mick Anglo, qui en était en réalité l' unique propriétaire et donc de ressortir l'intégralité de la série. Alan Moore en voulant toujours à l'éditeur, il interdit que l'on n'utilise son nom, préférant une vague mention «scénariste originel» et exige que ses droits soient entièrement reversés à la famille de Mick Anglo. La Maison aux idées demanda à Steve Oliff de revenir sur la colorisation afin de la moderniser. Que reste t-il donc des années après la publication des épisodes originaux d'Alan Moore et des qualités de Miracleman ? L'ensemble reste d'une grande qualité, même si Watchmen ou La ligue des gentlemen extraordinaires hisseront Alan Moore plus haut encore dans la sphère des auteurs de génie. Miracleman reste une lecture de grande qualité et se révèle être un véritable trésor oublié, une sorte de pierre de rosette permettant de comprendre combien le registre des super héros a marqué Alan Moore et ses créations futures. Un indispensable, forcément, bénéficiant d'une très belle édition qui comprend des bonus d'excellente facture. Kimota !