L'histoire :
En novembre 1943, de nuit, une poignée de hauts gradés militaires anglais attendent une mystérieuse délégation allemande sur un ponton attenant aux falaises de Douvres. Les trois officiers nazis qui débarquent en catimini négocient leur passage à l’Ouest et leur impunité contre une information de première bourre, à l’intention de Cora Brown, officier des services secrets britanniques. Ils connaissent en effet un moyen radical d’approcher Adolf Hitler afin qu’il soit assassiné. Ce plan se met en exécution 6 mois plus tard, à Lille, et il est centré sur un simple apprenti pâtissier. Le jeune Pierre travaille chez Mr Petit, qui lui apprend le secret des meilleures madeleines du Nord de la France. Tellement bonnes, que les officiers allemands qui occupent la ville n’hésitent pas à lui faire rouvrir sa boutique après l’horaire de fermeture. En réalité, ces officiers suspectent Mr Petit d’être un résistant… à raison. Le réseau sera démantelé et Mr Petit assassiné. Quand il apprend la mort de son gentil mentor, Pierre entre dans une colère froide. Patiemment, il concocte de bonnes madeleines et les livre lui-même au QG allemand… en prenant soin de dissimuler un revolver dans son béret. Il passe effrontément les contrôles de sécurité. Et quand il se retrouve face au commandant Vogel, responsable du meurtre de Mr Petit, il lui tire une balle en pleine tête. Sa hargne est telle, qu’à lui seul, il tue plusieurs soldats accourus pour le neutraliser. Il parvient à s’enfuir grâce à l’étonnante Cora Brown, qui est venue pour lui révéler l’identité de son père, qu’il n’a jamais connu. En effet, Pierre est le fils naturel d’Adolf Hitler…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Quelle bonne surprise que cet Héritier d’Hitler ! Ce comics est certes une (légère) uchronie, il n’en demeure pas moins d’un réalisme plausible et documenté, tout à fait palpitant par sa construction narrative et pour les portes fictionnelles qu’il ouvre. Tout part d’un fantasme géopolitique authentique de la part des alliés de 39-45 : assassiner Hitler eut permis de porter un grand coup vers la victoire. Mais après avoir réchappé à plusieurs tentatives d’attentat, le dictateur nazi avait porté la paranoïa à des niveaux extrêmes : à l’époque où se déroule cette histoire, il était devenu impossible de l’approcher, à moins d’être un intime. L’astuce de cette intrigue d’espionnage consiste à lui inventer un fils, qu’il ignorait, et qui ignorait lui-même être son fils. Et de s’en servir pour l’approcher… On suit ainsi la destinée de cet apprenti français, Pierre, à qui on annonce la terrible paternité. La seconde bonne idée, est de lui avoir défini un comportement psychologique aussi furibond que celui de son père. Pierre est impulsif, sanguin, hargneux, jusqu’au-boutiste et il ne peut pas blairer les nazis. Une espionne anglaise servira de marionnettiste et d’héroïne centrale pour relier les différentes étapes de cette entreprise d’assassinat ardue. Tout fonctionne très bien et demeure limpide dans le scénario d’Anthony Del Col et de Geoff Moore – une gageure dans le registre de l’espionnage, où le principe consiste à cacher un maximum de choses au lecteur, pour mieux le surprendre. Le dessin semi-réaliste de Jeff McComsey est cohérent de bout en bout (et 178 planches, ça fait un sacré bout !). Il se décline à travers des ambiances en bichromie, majoritairement gris-bleu au présent ; sépia pour les flashbacks et la conclusion, elle aussi particulièrement inattendue !
