L'histoire :
La chaleur est suffocante à Sin City par cette nuit, presque poisseuse même. La tiédeur a saisi la chambre dans laquelle se trouve Marv, une armoire à glace au visage buriné et défoncé par les coups qu'il a encaissé et encaisse toujours. Il boit sa bière, avec à côté de lui une superbe femme. Que peut bien lui trouver Goldie ? Trois heures plus tard, Marv se réveille en sursaut. Il a passé la nuit avec un ange mais à côté de lui, elle ne bouge plus. Goldie est morte. Comment ? Il sent que quelque chose cloche et son instinct ne le trompe pas. Il entend les sirènes de police approcher très vite. Comment les flics ont pu être prévenu ? Marv est en colère. Alors qu'il venait de trouver l'amour, on lui a enlevé. Il ne peut pas laisser ce meurtre impuni. Prenant des cachets alors que les policiers grimpent les escaliers, Marv ne réfléchit plus. L'instant suivant, il explose la porte avec un grand coup d'épaules, alors que les flics étaient derrière. Il les bouscule, saute dans la cage d'escaliers, se rattrape in extremis et se jette dans la rue. Une voiture de police fonce sur lui. Il se jette les deux pieds en avant et explose le para-brise et les types à l'intérieur. Marv va débuter son enquête et ne va pas retenir ses coups...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les débuts de Frank Miller à la toute fin des années 70 ne pouvaient pas laisser augurer la carrière atypique de cet artiste. De ses débuts de dessinateur talentueux à sa consécration avec un statut d'auteur complet, il a révolutionné à sa manière la bande dessinée américaine. Faisant de simple super-héros des personnages complexes avec Darevedil ou Batman, il a aussi exploré des registres très différents. Pourtant, depuis ses débuts, il montre une véritable passion pour les atmosphères sombres, glauques et les scénarios proches des romans noir. Après des mois et des années à plancher sur un titre très personnel, il sort en 1991 le premier opus de Sin City. La claque est immense. Frank Miller propose un visuel incroyable, uniquement en noir et blanc, et une narration époustouflante, immersive et ultra-violente. Dans une mégalopole tentaculaire et corrompue jusqu'à la moelle, nous allons suivre les destinées de plusieurs personnages devenus instantanément cultes pour les lecteurs. Marv, un colosse au visage défoncé archi-brutal et philosophe, Dwight, amoureux passionné et psychopathe ou encore John Hartigan, ce flic intègre jusqu'au bout, tous ont un parcours différent, une vie folle et gravite dans une ville poisseuse où les flics sont des ripoux, les prostituées sont plus armées que des soldats, les politiciens sont les pires des criminels,... L'espoir n'est pas de mise dans ce monde et Sin City n'est pas une œuvre à mettre entre toutes les mains. Sa violence, son propos et ses protagonistes tourmentés hanteront les esprits encore longtemps après la lecture. Miller narre ses récits avec une dynamique folle, digne des meilleurs romanciers du genre. On s'immerge dans Sin City et on frissonne lors de certaines scènes. Le découpage virtuose de l'artiste frise des sommets en terme de séquentialité et présente même des cadrages cinématographiques déroutant et fascinant. Intégrant petit à petit de petites touches de couleurs, Frank Miller façonne son œuvre, la sculpte et la fait vivre tout au long de sa série et des différentes parties qui la compose. Ne s'enfermant pas dans un schéma fixe, il va s'essayer à des approches ingénieuses, peut être imparfaites, mais toujours justifiées par son histoire. Si certains récits sur la fin sont moins percutants, l'ensemble reste d'une grande cohérence. Cette intégrale volumineuse, plus de 1350 pages, réunit l’entièreté de la série, à la manière d'un Omnibus américain. Elle permet de rappeler à tous combien Frank Miller a été et reste un artiste brillant, controversé mais profondément humain, avec ses torts, ses travers et aussi ses coups de génie.