L'histoire :
Shawn se réveille, toujours hanté par les mêmes visions. Son fils l’appelle car il ne pense qu’à une chose : aller pêcher ! Il se lève pour laisser sa compagne dormir mais son enfant ne lui laisse pas une seconde de répit. Il lui rappelle qu’il lui a promis qu’ils iraient pêcher ensemble aujourd’hui. Ils quittent tous deux la chambre : en se retournant, Shawn voit sa femme sourire en les voyant s’éloigner. Une belle journée qui commence. Et pour qu’elle soit encore plus belle, il faut commencer par un bon petit déjeuner. Shawn prépare les œufs au plat tandis que la radio égrène les sinistres nouvelles. La crise de la déségrégation continue et le surintendant Redmond a ordonné que les écoles soient fermées pour que les décisions soient prises. Le gouverneur Davis va donc proposer de nouvelles lois pour empêcher l’intégration des enfants noirs. Shawn s’excuse à son fils mais le devoir l’appelle. Il doit aller en ville pour le travail puis ils iront pêcher à son retour. Cependant, il fait un tour à la cave avant, prétextant d’aller chercher les cannes à pêche. Il rappelle d’ailleurs à son fils qu’il n’a toujours pas le droit d’aller à la cave. Et pour cause : un homme enchaîné et encagoulé l’attend. Il sourit d’un air cruel à travers son masque. Shawn récupère les cannes à pêche et les confie à Tommy. Il sort ensuite avec sa voiture et songe à ce qu’il va se passer. Comment vivre avec ce racisme ambiant en sachant que les choses ne vont pas changer dans le temps ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Lee Bermejo est de retour ! Et quel retour. Avec cette nouvelle série, on sent d’entrée de jeu que le dessinateur tape du poing sur la table. En effet, Mattson Tomlin a construit un récit qui s’adapte parfaitement à son style : un ton sombre et sans concession. Ça commence fort dès le début avec une scène de vie banale d’une famille sans histoire. Shawn Thacker descend dans la cave pour y retrouver un homme enchaîné, au masque de fer ! Cette présentation violente et sans explication est hautement symbolique : chaque personnage a un cadavre dans le placard et cache quelque chose de pas net, voire franchement malsain. La suite n’est qu’une série d’actions furieuses et dérangeantes, plantant un récit qui ne laisse pas respirer le lecteur. La thématique SF du voyage dans le temps permet de casser les codes de la narration et rajoutent une forte dose de mystères et d’incohérence. A mi-chemin entre un affrontement mortel à la Terminator et une ville infernale façon Blade Runner, Vicious Circle intrigue, étonne et nous bouscule comme si l’on était piégé nous-mêmes dans ce cercle vicieux infernal et répétitif. On pourra sortir un peu frustré de ne pas avoir beaucoup de réponses mais il faut surtout se laisser porter par cette histoire démente qui distille le poison de la vengeance dans nos veines. La vengeance devient poignante avec le thème du racisme en arrière-plan. Mais elle est surtout mortelle avec le dessin de Lee Bermejo. On peut dire sans rougir que l’artiste nous avait manqué. Mais quelle claque il nous offre pour son retour ! Son dessin est encore plus impressionnant de beauté et de réalisme. C’est bien simple : ce ne sont pas les personnages qui vont dans le futur mais bien l’artiste lui-même, tant son style est en avance sur son temps. Comme si ce n’était pas suffisant, Bermejo s’amuse en plus à singer d’autres styles ou artistes pour marquer les différentes temporalités ! Lee Bermejo a encore frappé très fort…