L'histoire :
À la cour du roi Morphée, au royaume de Slumberland, les sages s'affairent. Il s'agit de trouver rapidement un nouveau compagnon de jeu à la princesse, qui s'ennuie. Après tout ce temps, elle n'a jamais retrouvé un compagnon de jeu comme le fut le jeune Nemo, mais c'était déjà il y a plus d'un siècle de ça. Les noms défilent sans jamais susciter l'intérêt de la jeune fille quand, tout d'un coup, celui du jeune James Nemo Summerton est évoqué. Le seul fait que le garçon porte le nom de son ancien compagnon convainc la princesse d'envoyer ses émissaires chercher le jeune James pour l'amener à la cour. Mais, le jeune garçon se laissera-t-il convaincre et, surtout, sera-t-il un compagnon comparable au petit Nemo d'antan ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C'est en 1905 que Windsor McKay publie un strip intitulé Little Nemo in Slumberland dans les pages du New York Herald. Le strip racontait alors les aventures d'un jeune garçon prénommé Nemo, emporté chaque soir dans un monde onirique nommé Slumberland (en v.o. : la terre du sommeil). Dans l'esprit du Alice aux pays des merveilles de Lewis Caroll, son strip connu un immense succès qui perdura à travers les années (pour ne pas dire les siècles), faisant de McKay un incontournable de la narration graphique. Après une quantité incroyable d'hommages, d'adaptations (en films animés mais aussi live), l'éditeur américain IDW proposa d'offrir non pas une adaptation mais une réelle suite au strip mythique. Pour ce projet, on retrouve aux commandes des figures bien connues (et reconnues) des amateurs de comics telles que Eric Shanower (L'âge de bronze, Oz,...), Gabriel Rodriquez (Locke & Key) et, aux couleurs, Nelson Dániel (The Cape, Judge Dredd...). Autant dire qu'une telle équipe s'attelant à un monument comme Little Nemo était attendue au tournant. Et quelle réussite ! Là où Eric Shanower réussit particulièrement son coup, c'est en ravivant l'univers de Slumberland et aussi le conte initiatique du protagoniste sans pour autant sombrer dans la redite ou la nostalgie malvenue. Le coup de jeune est là et notre Nemo contemporain n'est pas l'enfant sage des premières aventures à Slumberland. Notre Nemo refuse d'emblée de jouer avec une fille, il insiste pour qu'on l'appelle de son vrai nom, jette le cigare de Flip (en lui offrant un substitut, source d'un running-gag amusant) mais reste tout de même assez émerveillé pour que les plus jeunes s’identifient à lui. Les autres personnages sont charmants aussi avec le roi Orphée, imposant mais aussi généreux et même tendre avec sa fille, la princesse, qui n'est pas la pimbêche gâtée que Nemo (et même le lecteur) semble craindre qu'elle soit. Flip est l'incarnation même du copain un peu plus dévergondé que soi et qui vous entraîne dans des aventures que l'on n'aurait jamais vécues sans lui... Qui dit aventure dit antagoniste, non ? Eh bien non, en tous cas pas dans ce premier tome. Il n'y a pas de méchant à Slumberland. Juste un bestiaire fabuleux et des êtres étranges mais bienveillants. Vous l'aurez compris, l'histoire et les aventures de Nemo sont au top. Mais, de quoi ça a l'air ? Et bien regardez les dessins et ramassez vos yeux parce que Gabriel Rodriguez va vous les faire tomber au sol. Il parvient lui aussi à reprendre le flambeau de Windsor McKay et lui rend un hommage vibrant en dépeignant un Slumberland multicolore (très beau travail de la part de Nelson Dániel), ultra-détaillé avec des lignes claires incroyables. En plus, Gabriel Rodriguez prend aussi un plaisir évident à multiplier les scènes détaillées (la cour de Slumberland) ou à nous emmener dans des délires visuels réjouissants (la Tour Tessellée, son escalier d'Escher et ses inversions incessantes). Donc c'est avec un grand OUI que l'on accepte cette invitation dans cette revisite triomphante d'un classique du genre, ouvrage que l'on pourra, non, que l'on devra lire en famille, et on aura pour seul regret celui de devoir attendre la sortie du prochain tome.