L'histoire :
Zill le mâle dominant, Safa la femelle résignée, Noor l'insoumise qui rêve d'insurrection et son lionceau Ali vivent dans le zoo de Bagdad une vie rythmée par l'arrivée de viande fraîche jetée dans leur fosse par les gardiens. Un jour, deux gardiens envoient un énorme âne mort dans l'enclos des lions, et ils s'enfuient aussitôt, sous les premières bombes larguées par les chasseurs américains. En effet, l'explosion projette les lions contre un mur de l'enclos et détruit littéralement la paroi de béton qui sépare les fauves du monde extérieur. « Est-ce qu'on est morts ? » demande le jeune Ali. « Non, on est libres » répond Zill. Commence alors la traversée de Bagdad par cette tribu de lions affamés, partagés entre l'inquiétude du confort perdu, et la découverte d'une liberté qu'ils n'espéraient plus…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Brian K.Vaughan signe ici un album d'une portée peu commune, qui transforme un fait réel anecdotique en un extraordinaire récit philosophique : des réactions complexes de quatre individus face à leur propre liberté. Dès la couverture tournée, on oublie qu'il s'agit de lions et on est fasciné par leur déambulation, en quête de nourriture, par l'apparente nécessité du combat pour la survie dans une ville ravagée par la guerre. Les lions croisent des troupeaux de girafes en fuite et des colonnes de chars d'assaut… Les deux femelles rivales se disputent sur la vraie nature de la vie en captivité et le rôle de leurs ex-gardiens, ennemis jurés pour l'une, bienfaiteurs désintéressés pour l'autre… Le vieux mâle retrouve une partie de ses instincts perdus… Cette histoire est d'un culot époustouflant, qui montre à nouveau que Vaughan est un des plus extraordinaires scénaristes de ces dernières années, capable d'aborder frontalement des thèmes d'une grande complexité. Le jeune dessinateur québécois Nicko Henrichon, qui signe là son deuxième album seulement, confère au récit une beauté à couper le souffle. Certaines se ses images sont inoubliables (la lionne au bord de la piscine d'un palais de marbre déserté par les hommes). Le duo virtuose nous maintient en haleine d'une manière remarquable, et nous surprend autant par des chocs visuels que par les questions profondes et provocantes que soulèvent les personnages de cette aventure hors norme. Ce one-shot unanimement salué par la critique aux Etats-Unis comme un chef d'œuvre absolu, pourrait devenir un fabuleux film d'animation ou un conte philosophique pour tous publics. En tout cas, il mérite à coup sûr de figurer au top dans votre bibliothèque !