L'histoire :
Dans une casse désaffectée, un type est en train de réfléchir aux dernières secondes qu'il vit. Agenouillé, les yeux bandés, son nez saigne et il est entouré de deux types qui braquent leur calibre sur son crâne. Comment a-t-il pu en arriver là ?... Ce n'est pas tant le cours des évènements que ce type se refait dans sa tête. Non, en fait, il a le sentiment d'avoir enfin compris comment a marché sa vie, ce qu'il en a fait. Ses erreurs d'une part et la saloperie crasse qu'engendre ce monde. Et il sait que c'est trop tard. Peut-être se demande-t-il qu'il n’aurait jamais rien compris s'il ne se trouvait pas là, dans une putain de flaque de boue, en train de fermer les yeux alors même qu'il ne peut déjà plus rien voir, à attendre le coup final...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si le tandem Brubaker/Phillips est aujourd'hui mondialement connu, les fans de polar se souviennent encore de Sleeper et de sa première édition (soft cover, premier volume chez Semic suivi de quatre autres chez Panini). Urban Comics a donc l'excellente idée de remettre en avant cette série qui mettra, malgré le temps passé, tout le monde d'accord, anciens et nouveaux lecteurs. Car au passage, l'éditeur en profite pour proposer une nouvelle traduction, confiée à Jérémy Manesse, dans un format hard cover et plus de 400 pages ! Sleeper a vu le jour au début des années 2000 en tant que spin-off de WildCats. Dans l'équipe d'humains augmentés par des technologies high tech et/ou alien créée par Jim Lee et Brandon Choi, il y a un flingueur de première, surnommé Grifter, de son vrai nom Cole Cash. Un tueur redoutable qui se distingue par le fait qu'il n'a rien d'augmenté. Et l'histoire commence avec un coup de main que lui demande son ex boss, qui a manifestement fait une erreur qu'il doit réparer avant que tout parte en sucette pour la sécurité US... ou pour la sienne. Et la série commence aussi avec Colin Wilson aux dessins, un artiste qu'on trouve bien trop mésestimé alors qu'il insuffle un côté franchement rude aux personnages, ce qui leur convient à merveille. Autant le préciser, le côté super-héroïque est totalement gommé par le style « polar noir ». Ici, on voit une prothèse cybernétique de temps à autres, des pouvoirs psy également, mais c'est très anecdotique. Si bien que si vous n'avez jamais lu une seule page sortie de l'univers WildStorm, vous n'éprouverez aucune gêne. Une fois aspiré par les deux premières pages, vous ne décrocherez pas des 120 que dessine Wilson. Pas plus que pour la suite, qui marque le début de la légende du tandem. Un peu comme si Brub' et Phillips s'étaient rodés avec Sleeper en y trouvant tout ce qui allait faire de Criminal une série culte du polar s'il en est. Donc inutile de vous dire que le scénario est à tiroirs, avec des personnages aussi charismatiques qu'inquiétants. Inutile de vous dire que la mort plane en maîtresse absolue, quand les uns et les autres semblent s'enfoncer dans le bourbier que dégueule une rivière de sang. Inutile de vous dire que ça claque aussi fort qu'une détonation de 38 spécial. Inutile, donc, de vous dire que si vous n'étiez pas monté dans le premier train, il ne vous sera pas pardonné de louper celui-là.
