interview Bande dessinée

Ange

©Soleil édition 2011

Le saviez-vous : « Ange » n’est pas un auteur comme les autres se cachant derrière un pseudo : il est deux auteurs, Anne et Gérard Guero, mari et femme dans la vraie vie. Depuis les années 2000, du thriller à la science-fiction, pour les enfants ou pour les poilus à gros biscotos, ils écument plusieurs registres et scénarisent un vaste catalogue de bande dessinée, essentiellement chez Soleil. Ils ont également un autre pseudo : Gaby, qui scénarise les Blondes à succès… Leurs années de travail dans les milieux des jeux de rôle leur offrent tout de même un pur registre de prédilection : l’heroïc-fantasy ou le médiéval fantastique. C’est Tibill le Liling, la porte des mondes, Marie des dragons… et surtout leur série la plus emblématique : la Geste des chevaliers dragons. Nous avons rencontré Gérard à Saint-Malo et essayé de comprendre cet amour pour un petit animal familier de compagnie, le dragon…

Réalisée en lien avec l'album La geste des Chevaliers Dragons T13
Lieu de l'interview : festival Quai des Bulles de Saint-Malo

interview menée
par
1 décembre 2011

Bonjour Ange ! En quelques mots, peux-tu te présenter et nous dire comment tu en es venu à faire de la bande dessinée ?
Ange (Gérard) : Alors je suis Gérard, je suis la partie masculine d'Ange, mais aussi la partie masculine de Gabi. Avec Anne, on a commencé à faire de la BD complètement par hasard. On faisait des études normales : Anne faisait du droit et moi je faisais de l'électronique informatique industrielle. On avait un pote qui était en contact avec Hachette et qui avait un projet de livre dont vous êtes le héros. Il ne voulait pas l'écrire tout seul, donc il a demandé à ses copains. Et ses copains, c'était nous. On a trouvé ce métier sympa et d'ailleurs, on s'est bien fait enfler tout de suite… Cela nous a servi, parce que tout n'est qu'un long recommencement… Rapidement, on a croisé Erik Juszezack, qui est aujourd’hui le dessinateur de Dantès. Quand il était encore dessinateur de rien, il a fait son premier album avec nous. C'était un livre interactif, chez Glénat, qui s'appelait Les crocs d'ébène. L'origine de notre pseudo vient de là, car sur la couverture, le monsieur de chez Glénat ne voulait pas 3 noms. Or à l'époque, on n’était ni mariés, ni pacsés. Il a fallu qu'on invente un nom et on a inventé « Geran », diminutif de Gérard et Anne. Cela faisait un peu comme Van Gogh ou Tolkien… On était un peu Geek et on l'est encore un peu. On a donc fait un album avec lui chez Glénat et on a commencé une série avec Eric chez Vent d'Ouest, qui s'appelait Les héritiers. Elle s'est arrêtée au deuxième tome, toujours sous le pseudo de « Geran ». A ce moment là, on a arrêté la BD… On a alors bossé dans le jeu de rôle et c'est là qu'on a développé tous les pseudos idiots que personne ne connaît, d'ailleurs, et qui nous ont servi pour cacher qui on était (Roger Daru, Grégoire Danero, Lucie Delage…). On a essayé de revenir dans la BD, car c'est quand même très, très bien et heureusement, le directeur de collection de Vent d'Ouest de l'époque avait plus moins validé le scénario de Reflet d'écume. Il nous manquait juste un dessinateur. On est tombé sur Alberto Varanda qui illustrait ce qu'on écrivait en matière de jeux de rôle. On s'est dit qu’il était parfait et on a fait Reflet d'écume en changeant encore de nom, pour ne pas retrouver nos pseudos précédents chez Vent d'Ouest à cause de certains mauvais souvenirs.

Votre univers de prédilection, c'est l'heroïc-fantasy ?
Gérard : Dans ce qu'on fait, c'est ce qui marche le mieux, à l’exception des Blondes. On ne s'est pas fixé de limites et l'heroïc-fantasy permet vraiment de faire ce qu'on veut. On est à l'aise dans ce genre : nous fixons nous-mêmes les codes et c'est ce qu'on a appris dans le jeu de rôle. On a l'avantage d’avoir plusieurs années de travail, de développement de gammes dans ce registre. On sait ne pas faire n'importe quoi et poser des structures relativement rigides pour faire des trucs bien à l'intérieur.

Comment choisissez-vous vos dessinateurs ?
Gérard : Tous les cas de figure sont possibles. Il y a les rencontres, les mariages éditoriaux, les demandes des dessinateurs, aussi… et à chaque fois le résultat est différent. Ça peut être bon comme ça peut être mauvais. Certaines rencontres ont été merveilleuses, d’autres demandes étonnantes…

Pas de critères précis ?
Gérard : Par exemple pour la Geste, le seul critère que j'ai mis en avant, c'est : 46 pages sur lesquelles se défoncer. Il n'est pas question de faire un album lambda, juste pour toucher le chèque. Ce sont tous des one-shots, il faut qu'ils soient tous bien.

Le premier tome de La geste des chevaliers dragons était-il déjà prévu en one-shot ?
Gérard : Oui et non ! Revenons à notre histoire. On rentre chez Vent d'Ouest pour Reflet d'écume ; au deuxième tome, vues les ventes, on nous dit de faire autre chose. On commence Blood line, qui a marqué un peu son époque car c'était un des rares pavés en noir et blanc de 100 pages, écrit par des français. On a alors eu un rendez-vous avec le patron de Vent d'Ouest de l'époque, Louis Delasse qui est maintenant le patron de Casterman. Il nous a dit une phrase merveilleuse, du genre « On vous aime bien, mais maintenant si vous nous faisiez un truc qui marche ? ». Blood line a été arrêté avant même que ça n'arrive en librairie. J'avais alors La geste en tête. C'est comme ça qu'on bosse dans le jeu de rôle : on nous donne des contraintes et « faites-nous un truc qui marche », c'était une contrainte. Ils voulaient justement une histoire d'heroïc-fantasy qui pouvait être développée, mais qui partait au départ d’un one-shot. On a donc fait ça… Et maintenant il y a 13 tomes !

Y-a t-il une fin de prévue à la Geste ?
Gérard : Surtout pas, non ! Il n'y a pas de fin, surtout dans le contexte actuel. Tant que la série marche, on la continue.

Le dragon semble être un animal important pour vous deux : il apparaît dans de nombreuses séries…
Gérard : Oui, c'est un animal mythique, fascinant. C'est toujours l'arrivée d'un truc qui n'est pas prévu à la base. En tout cas, c'est ainsi qu'on le gère. Il est gros, méchant, un peu magique et la plupart du temps indestructible. C'est aussi ça qui va nous différencier du western, car finalement, l'heroïc-fantasy est très proche du western.

Quels sont les auteurs qui t'ont marqué ?
Gérard : Oulala… Tolkien ! J'ai lu Bilbo relativement jeune, Le seigneur des anneaux 5 ou 6 fois et même une fois en anglais avant d'avoir 22 ans. Sinon, je suis très classique en matière de bande dessinée. J'ai appris à lire avec Spirou quand j'avais 5 ans. J'aime aussi les comics, notamment les britanniques Alan Moore, Morrisson, etc.

Si tu avais le pouvoir cosmique de te mettre dans la tête d'un auteur, ça serait qui et pour y faire quoi ?
Gérard : C'est à ce moment qu'en principe je dis énormément de conneries… Lequel a la plus jolie copine ? Et voilà, ça c'est une réponse…

Merci Gérard !