De ses débuts discrets au milieu des années 90 à celui de superstar des comics depuis quelques temps, le mexicain Humberto Ramos a su imposer un style de plus en plus personnel. Aussi à l'aide sur des séries mainstream comme Spider-Man ou Extraordinary X-Men, il n'hésite pas à se lancer dans des récits plus indépendants comme Fairy Quest ou Révélations. Échappant depuis très longtemps à nos filets, nous avons enfin su attirer Humberto Ramos le temps de lui poser une infime partie des questions que nous aurions aimé lui poser...
interview Comics
Humberto Ramos
Les propos ont été recueillis par Mathieu Auverdin et la traduction de cette interview a été réalisée par Alain Delaplace.
Bonjour Humberto Ramos. Pourrais-tu, s'il te plait, te présenter à nos lecteurs et nous dire comment tu as débuté dans l'industrie des comics ?
Humberto Ramos : Je m'appelle Humberto Ramos, je suis mexicain et j'exerce ce métier depuis bientôt 25 ans. Je pense avoir débuté de la même manière que les autres professionnels de cette industrie, en étant un fan de comic-books, dès l'enfance. Bien sûr, j'aimais aussi dessiner et, au fur et à mesure, je me suis amélioré. Au point qu'à la fac, certains de mes camarades m'ont parlé du métier de dessinateur. Et moi, j'étais là : « Sérieux ? On peut être payé pour ça ? ». J'ai donc commencé à dessiner des comics, au Mexique, et c'est comme ça que je suis vraiment entré dans « l'industrie ». Et au Mexique, les gens ont commencé à me raconter de jolies histoires et l'une d'entre elles parlait d'un lieu mythique nommé San Diego où se tenait une convention comics. J'ai donc décidé d'aller y assister et essayer de décrocher du boulot. Je me suis rendu à la San Diego Comic-Con, en 1992, et j'ai postulé à des entretiens. Quelques temps après, j'ai eu mes premiers contrats, auprès de Milestone Media.
Quelles sont tes influences, artistiquement parlant ?
Humberto Ramos : La liste est longue ! Mais je pense que ma première, véritable et conséquente influence a été Arthur Adams et il m'a influencé pendant très longtemps. Et je suis sûr que mon style reflète le sien en de nombreux points. Aujourd'hui, je dirais Olivier Coipel, Suart Immonen, Eric Canete, Sean Murphy, Jim [Lee], Carlos Meglia... Plein de gens, vraiment ! Ce que je veux faire comprendre par-là, c'est qu'en tant qu'illustrateur de comics, je me dois d'être sans cesse aux aguets et regarder ce qui se fait autour de moi, ce qui est neuf ou cool. Il y a des gens que je ne connaissais pas au moment où j'ai débuté dans le métier et que je connais maintenant et il y en a aussi qui ne travaillaient pas du tout, professionnellement, à cette époque, et qui font aujourd'hui des trucs cools. Je m'efforce d'être toujours au courant de ce qui est nouveau, de ce qui est cool et d'en apprendre ce que je peux. Il y a ces « piliers » auxquels je serais toujours rattaché, comme Joe Madureira ou Art Adams, mais il y en a aussi dont je m'inspirerai toujours.
Ton style a évolué, depuis tes débuts. Comment est venue cette évolution ?
Humberto Ramos : Je pense que c'est dans la continuité de ce dont on vient de parler : on apprend constamment. J'éduque, disons, mon œil et ma main. À tout moment, ce que j'ai à l'esprit ne s'accorde pas vraiment avec ce dont je suis capable. Ce que j'ai en tête en jette toujours plus que ce que je peux réellement dessiner ! [Rires]
Tu es un perpétuel insatisfait ?
Humberto Ramos : Exact. L'évolution de mon style est due en grande partie à cette quête constante d'amélioration, en plus de l'apprentissage permanent auprès d'autres artistes, que j'ai évoqué précédemment.
J'ai vu, dans les pages de ton Extraordinary X-Men, que tu as employé des techniques qu'on avait vues dans Revelations, entre autres. Était-ce prévu dès le départ ou bien as tu pris la décision en cours ?
Humberto Ramos : J'avais lu dans le script qu'on allait avoir des scènes de flash-backs. Or, quand j'ai des scènes de flash-backs à illustrer, j'aime bien utiliser des couleurs et des tons indiquant que l'action se déroule bel et bien dans le passé. C'est pour ça que j'ai employé un pinceau épais. On ne m'a pas explicitement demandé de faire ainsi, c'est juste le script qui m'a amené à employer cette technique. Je l'ai dit aux gens de Marvel et je leur ai montré ce que ça donnait. Ils ont aimé et on a fait comme ça. J'adore travailler avec cette technique et j'aimerais bien pouvoir le faire plus souvent mais le plus souvent je manque de temps pour ça. J'aimerais officier un peu plus en tant qu'auteur plutôt qu'en simple illustrateur. Peut-être, cela dit, quand j'aurai plus de temps...
Pourquoi alors ne pas partir sur un projet de type creator-owned, où tu pourrais être à la fois auteur et illustrateur ?
Humberto Ramos : Parce qu'écrire, c'est difficile. Je respecte beaucoup ce que font les auteurs professionnels. À travers tous les projets creator-owned sur lesquels j'ai travaillé, je suis devenu peu à peu plus conscient de ce qu'implique l'écriture. Avec Crimson à Out There, de Revelations à Fairy Quest, j'ai appris à m'impliquer dans l'écriture. Alors peut-être qu'avec mon prochain projet, que j'ai d'ores et déjà quasiment terminé, dans ma tête, même dans le cas où je n'en serais pas l'auteur attitré, j'apprécierais encore mieux cet aspect de la réalisation.
Tu as dessiné des nombreuses aventures de Spider-Man. Laquelle est ta préférée ?
Humberto Ramos : Oooh... Il y en a plusieurs. Je les aime pour leur signification, leur importance dans l'histoire du personnage... Le #700 est évidemment un numéro à part. Il est très, très important et c'est probablement mon œuvre la plus importante de toutes, disons-le. L'histoire, ses conséquences, la conclusion... Mais il y a aussi eu A Death in the Family, avec Paul Jenkins. L'affrontement entre Peter et le Goblin et sa conclusion. Voilà, ce sont mes deux récits préférés de Spider-Man.
Tu as tendance à rester assez longtemps sur un même personnage, comme, par exemple, sur Spider-Man. C'est un choix délibéré ?
Humberto Ramos : De nos jours, il est difficile de monter une équipe artistique qui perdure, sur une série. J'aime les personnages que je dessine et je crois que, pour répondre à ta question, que c'est moitié-moitié. C'est effectivement un choix personnel mais c'est aussi celui des éditeurs. J'ai adoré rester aussi longtemps sur Spider-Man et je me suis efforcé de rester le plus longtemps possible sur la série mais il arrive toujours un moment où il faut partir. Si jamais je me retrouvais à illustrer une série sur laquelle je ne me sentirais pas à l'aise, je pourrais toujours dire aux éditeurs « Vous savez, les gars, je le sens pas bien, là », ils trouveraient alors un moyen de me faire sortir de là et trouveraient aussi un remplaçant. Donc cette longévité, c'est une volonté commune.
Fairy Quest a été traduit en français, sais-tu si le troisième volume arrivera chez nous ?
Humberto Ramos : Il n'y aura pas de 3eme volume. Pour faire court, je dirais que Fairy Quest a été à la fois mon plus beau rêve et mon pire cauchemar.
Vraiment ?
Humberto Ramos : C'est une histoire magnifique et j'adore les personnages mais ça a été un cauchemar depuis le tout premier jour de sa conception. Le public n'a pas besoin de connaître tous les problèmes qu'a pu rencontrer Fairy Quest mais ça m'a conduit – et c'est entièrement ma faute, en aucun cas celle de Paul – à dire stop et à conclure l'histoire. Je sais que les fans méritent une réponse cars ils nous ont accompagnés depuis le tout début, ce dont je leur serai toujours reconnaissant. C'est donc ma faute, c'est moi qui ait décidé de ne pas poursuivre l'aventure. J'ai souhaité conserver intact le concept même de Fairy Quest, tel que je l'avais en tête au départ. Et cette idée n'a rien à voir avec ce qu'est devenue la série. Et, donc, ça ne valait pas le coup de poursuivre.
Si tu avais la possibilité de visiter le crâne d'une personne célèbre, passée ou présente, afin de comprendre son art, ses techniques ou simplement sa vision du monde, qui choisirais-tu et pourquoi ?
Humberto Ramos : Je ne sais pas. Mais, tu sais, je dirais, s'il a jamais vraiment existé – ce dont on n'a aucune preuve concrète –, Jésus. Je ne sais pas s'il était conscient de tout ce qui découlerait de lui et de sa vie. Quand j'y pense et quand je lis des écrits en rapport à lui, il avait l'air d'être un homme simple. Je ne suis pas quelqu'un de religieux mais j'ai toujours été attaché à ce qu'il a accompli, à l'époque. Ce sont essentiellement des choses que nous pourrions nous-même accomplir, nous n'avons pas besoin de marcher sur l'eau ou de changer l'eau en vin pour être extraordinaire. Les choses qu'il a dites ou qui ont été dites sur lui... Ce qu'il s'est appliqué à enseigner, nous pourrions tous le faire...
Être un homme bon...
Humberto Ramos : Oui, pour moi, c'est la chose la plus importante et aussi la plus difficile à réussir, chaque jour. Mon objectif le plus sincère dans la vie et que l'on ait de moi le souvenir d'un homme bon. Et bon sang, que c'est dur. Et j'aimerais donc connaître sa vision du monde, savoir ce qui l'a conduit à devenir, envers et contre tous, un homme bon.
Merci Humberto !