interview Comics

Jeff Parker

©Panini Comics édition 2012

Comme beaucoup de scénaristes, Jeff Parker a débuté dans le 9ème art en dessinant. Depuis, il est devenu un des auteurs qui montent chez Marvel. Agents of Atlas, Hood ou X-Men First class lui ont permis de se faire un nom. Mais c'est véritablement sur Hulk et les Thunderbolts qu'il a confirmé toutes ses qualités narratives. Toujours bien façonnée, son écriture dynamique permet aux dessinateurs qui collaborent avec lui de se lâcher pleinement, ce qui plait, forcément… Jeff Parker a gentiment accepté de prendre du temps pour répondre à nos questions. Un auteur complet, à suivre !

Réalisée en lien avec les albums Marvel Stars T13, Marvel Heroes Extra T9
Lieu de l'interview : le cyber espace

interview menée
par
5 février 2012

Bonjour Jeff Parker, peux-tu nous dire comment tu as commencé dans les comics ?
Jeff Parker : Je suis allé à la faculté comme beaucoup de monde. J'ai étudié l'art un petit peu, mais je me suis surtout focalisé sur la littérature. Pour rendre service, j'ai dessiné quelques strips pour le journal du lycée, et ces travaux m'ont appris à respecter des dates-buttoirs. Durant mon temps libre, je dessinais aussi de courts récits et un jour, je les ai présentés à d'autres artistes durant des conventions estivales. Tout est parti de là.

© Jeff Parker Quelles sont tes influences ?
JP : J'ai toujours adoré Doug Wildey (le créateur de Jonny Quest) et Alex Toth. Et aussi les illustrateurs qui l'ont influencé, comme Milton Caniff et Noel Sickles, avec des titres comme Terry et les pirates.

Tu as commencé ta carrière chez Malibu Comics en tant que dessinateur et encreur. Aujourd'hui, tu es un scénariste à part entière. Pourquoi ce changement de carrière ?
JP : Tu sais, j'ai toujours dessiné, autant pour faire des couvertures ou mettre en images des scènes que je souhaite voir illustrer par un autre artiste. J'écris beaucoup plus vite que je ne dessine, donc le changement s'est fait rapidement. J'ai eu peur au départ, mais j'ai eu pas mal de chance et de réussite en tant que scénariste, bien plus qu'en tant que dessinateur. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai plus progressé au fil du temps comme écrivain.

Tu as aussi travaillé en tant que story-boarder sur le dessin animé Big Guy and Rusty the robot boy. Quel regard portes-tu sur cette expérience ?
JP : Ce fut une grande expérience. J'ai appris à raconter une histoire aussi clairement et simplement que possible. J'ai amené beaucoup des disciplines propres à l'animation dans mon travail sur les comics. En fait, quand tu travailles sur un projet pareil, tu apprends à collaborer avec les autres au fur et à mesure. Personne ne cherche précisément ce que tu peux apporter, tout ce qui compte, c’est le résultat final. Cela aide à enterrer certains egos !

© Jeff ParkerTu travailles chez Marvel depuis 2006. Comment es-tu arrivé là-bas ?
JP : J'avais demandé à écrire un fill-in (un épisode hors continuité) de Marvel Adventures : Spider-Man. Et vu que cela a bien marché, on m'a laissé écrire sur les albums des Quatre Fantastiques pour tous âges. C'était ce que l'on appelle du comic tout en un, avec 22 pages pour raconter une bonne histoire. Cela m'a appris à raconter les choses efficacement, rapidement.

En France, nous te connaissons à travers plusieurs séries. Peux-tu nous parler des Agents d'Atlas que tu as créé ?
JP : L'idée de la série est apparue pour la première fois dans un épisode What if assez ancien. C'était une sorte de Vengeurs Secrets à la fin des années 1950. Mon éditeur Mark Paniccia avait revu cet épisode et m'a demandé de bâtir quelque chose autour d'un tel concept. J'ai pensé que 3-D Man était un peu too much pour faire une nouvelle histoire et je voulais une autre femme dans l'équipe. J'ai donc pensé à Namora, qui est dans la série.

Si tu devais présenter la série à des lecteurs qui ne la connaissent pas encore ?
JP : Les Agents d'Atlas sont un groupe secret d'aventuriers provenant des années 50, qui cherchent à sauver leur chef contre un empire diabolique. L'équipe contient tous les archétypes d'une fiction pulp : un alien, un agent secret, une sirène, un robot, un gorille, une divinité…

Quel est ton personnage préféré ?
JP : J’ai toujours préféré Vénus, qui s'est révélée être une sirène mythologique. Elle voulait chanter pour arrêter les batailles, faisant d'elle une héroïne de fantasy romantique. J'aime aussi écrire sur M-11, l'homme robot, parce qu'il ne parle presque jamais, il est toujours dans l'action. Bien sûr, Ken Hale l'homme gorille est très amusant. Ils le sont tous, en fait !

Tu as écrit toutes les histoires des Agents d'Atlas jusque Fear Itself. Pourquoi avoir arrêté ?
JP : Je ne sais pas vraiment. Ils avaient probablement envie de voir ce que d'autres scénaristes pouvaient faire de ce concept. Il y aussi d'autres scénaristes dans des crossovers avec les Avengers, comme Jason Aaron et Paul Cornell. Ils avaient fait du bon travail.

Les Agents d'Atlas ont souvent affronté d'autres groupes de super-héros. Qui d'autres les aurais-tu fait affronter ?
JP : Je ne sais pas. Les seuls que je n'aurais pas voulu, ce sont les Quatre Fantastiques, j'ai toujours su comment cela se terminerait.

Tu es crédité aussi sur une autre série : X-Men first Class...
JP : Marvel voulait une série revenant sur l'équipe originale et faisant un point d'entrée accessible à l'univers des X-Men. J'ai toujours aimé les versions originales de Thor ou du Dr Strange, ou encore des vilains comme le Lézard, lorsqu'ils rencontrent les cinq jeunes mutants. J'apprécie aussi beaucoup écrire sur le professeur X.

As-tu vu le film qui porte le même nom que ta série ?
JP : Je suis embarrassé, je ne l'ai pas encore vu. Merci de le rappeler, je vais le regarder bientôt !

© Jeff Parker

On a découvert aussi un de tes récits consacrés à The Hood durant le Dark Reign. Ecrire sur un méchant est-il grisant ?
JP : Cet album m'a aidé à écrire sur les méchants et m'a naturellement amené à faire les Thunderbolts. J'ai vraiment apprécié, parce que tu ne montres habituellement que les héros et leurs failles.

Avec Greg Pak, tu es l'un des scénaristes qui œuvre le plus sur Hulk. Quel regard portes-tu sur son travail ?
JP : Cela peut paraître simple, mais Hulk a toujours été une série de science-fiction. Et donc, il a fait d'un simple personnage quelqu'un de plus étoffé, avec un aspect fantasy appuyé. Greg a fait un fantastique run et tout ce qu'il a apporté est immuable.

Une des particularités de tes récits sur Hulk est qu'ils sont toujours très spectaculaires...
JP : Oui, je décris chaque page au dessinateur et je place les dialogues. J'essaie de penser aux possibilités visuelles qu'offre mon histoire, afin que les artistes aient la chance de montrer tout ce qu'ils peuvent faire.

© Jeff ParkerAlternativement, tu travailles sur les Thunderbolts. Tu as alors succédé à des auteurs de renom sur la série (Kurt Busiek, Warren Ellis, Christos Gage…). Avais-tu la pression ?
JP : Je n'ai pas paniqué à l'idée de poursuivre le titre, j'ai une vision très claire de ce à quoi la série doit ressembler. Si ce n'est pas le cas, c'est que je n'ai pas rempli mon contrat.

Comment présenterais-tu les Thunderbolts aux néophytes ?
JP : Il s'agit des vilains des comics Marvel, des sales types qui en général apparaissent brièvement et affrontent Spider-Man, les X-Men et d'autres. La différence est que dans cette série, ce sont les héros. Normalement, ils ne veulent pas être héroïques, mais les situations dans lesquelles on les envoie leur font prendre ce rôle.

Quel objectif suis-tu sur Thunderbolts ?
JP : Moi et les artistes avec qui je travaille, Kev Walker et Declan Shalvey, voulons que les histoires aient un petit côté provocateur, plus que sur les livres de super héros. Nous apprécions l'humour noir et montrons que ces sales types ne sont pas aussi différents des lecteurs, s’ils étaient confrontés à pareilles situations. Je pense que c'est ce que les lecteurs apprécient.

En 2010, tu as également écrit Underground pour Steve Lieber, un projet encore inédit en France. Peux-tu nous en parler un peu ?
JP : Underground raconte comment deux gardes forestiers sont poursuivis dans une caverne dangereuse par des hommes armés. La grotte est l'élément le plus dangereux de l'histoire et Wesley Fischer, une des gardes-forestières, est la seule qui ait vraiment conscience de l'endroit où ils se trouvent. Leur survie dépend en partie d'elle.

Quels sont tes prochains projets ?
JP : Je vais sortir bien plus de projets personnels, dont un chez Oni press que j'espère annoncer dans les mois qui viennent.

© Jeff ParkerConnais-tu des artistes français ?
JP : Bien sûr. Actuellement, j'écris même pour Philippe Xavier, que tu dois connaître pour Croisade, qui est resté chez moi une bonne semaine. Il me fait énormément découvrir d'artistes français et vous en avez de très bons ! Certains sont des sources d'inspiration pour moi, comme Claire Wendling. Il y a beaucoup de vie dans son travail. J'adore la façon dont elle dessine les animaux. Pendant que je te réponds, j'ai aussi une pensée pour Paul Gillon qui a eu une carrière magnifique. Je connais aussi Yacine Elghorri avec qui j'ai travaillé sur Hulk. Un type très talentueux.

Voudrais-tu travailler pour le marché européen ?
JP : Oui, bien sûr. J'adore la bande dessinée en général et les artistes européens : vous avez une vraie variété de genre. Cela me permettrait d'envisager un récit avec un sujet différent des super héros. J'espère sincèrement rencontrer de nombreux auteurs en France et apprendre le français. Ma femme parle très bien, elle pourra m'aider.

Sur quel super héros aimerais-tu travailler ?
JP : Je dirais sans hésitation Batman. Je l'adore depuis que je suis enfant.

Es-tu un grand lecteur de BD ?
JP : Non, pas vraiment. Je me marre juste régulièrement en lisant Hellboy !

Si tu avais le pouvoir de visiter le crâne d'un autre auteur pour en comprendre le génie, qui choisirais-tu ?
JP : J'ai toujours eu énormément d'admiration pour le créateur de Calvin et Hobbes, Bill Watterson. Il a vraiment compris comment l'imagination pouvait toucher les gens.

Si je t'offrais un super pouvoir, lequel choisirais-tu ?
JP : Celui de pouvoir comprendre toutes les langues.

Si tu n'avais pas fait de la bande dessinée, que serais-tu devenu ?
JP : J'ai toujours eu le souhait secret de devenir scientifique, même si je ne sais pas si j'aurai été un bon.

Thank you mister Parker !

© Jeff Parker