interview Comics

Simon Coleby

©Urban Comics édition 2015

Si vous suivez les parutions de la revue anglaise 2000AD, vous avez sûrement du croiser le nom du dessinateur Simon Coleby. En travaillant sur des titres comme Rogue Trooper ou Judge Dredd, l'artiste a su taper dans l’œil des fans de comics. Depuis, nous le voyons à l'œuvre sur des séries Marvel ou DC Comics. Parmi ces dernières participations, il a même travaillé sur le Batman Eternal du scénariste Scott Snyder. Présent au Lille Comics Festival, nous avons rencontré cet artiste au talent certain.

Réalisée en lien avec les albums Batman Eternal T3, Judge Dredd
Lieu de l'interview : Lille Comics Festival

interview menée
par
14 septembre 2015

Bonjour Simon Coleby, peux-tu te présenter et nous dire comment tu as commencé à travailler dans l'industrie des comics ?
Simon Coleby : Bonjour, je m'appelle Simon Coleby. Je suis dessinateur de comics. J'ai travaillé principalement pour le magazine 2000AD, en Grande-Bretagne. J'ai aussi travaillé pour Marvel ainsi que pour DC Comics, chez Vertigo. Je suis surtout connu pour mon travail sur Judge Dredd et sur Rogue Trooper et j'ai aussi illustré Batman. Une de mes séries doit bientôt arriver en France, je crois : The Royals : Masters Of War, chez Vertigo. Et, hum, que dire d'autre ? Oh, mes débuts dans l'industrie, c'est ça ? Comme beaucoup de dessinateurs, ça s'est fait par accident. C'était à la fin des années 80, j'étais jeune, stupide et je jouais de la guitare dans un Simon Coleby Masters of Wargroupe de métal - ce que je fais toujours, maintenant que je suis vieux et stupide. Et le chanteur du groupe était à fond dans les comics, contrairement à moi. Je lisais des comics quand j'était vraiment petit et j'aimais les dessins mais j'étais plus intéressé par la musique, à ce moment-là. J'avais réalisé des posters et des designs visuels pour le groupe. Le chanteur a alors suggéré qu'on se rende à une convention de dessins de comics à Londres - on était alors en 1987. Il m'a aussi dit d'amener des dessins à moi. OK. J'embarque des posters et d'autres choses que j'avais dessinées. Là-bas, e finis par entamer une conversation avec un type nommé Richard Starkings qui s'avère travailler pour Marvel UK, et je lui montre mes dessins. Il fait "Oh, et tu fais quoi dans la vie ?" et moi "ben, à part jouer de la guitare dans un groupe, pas grand chose". "Eh bien que dirais-tu de t'essayer aux comics ?" et là il m'invite à l'essai chez Marvel UK. Et j'y suis allé. A partir de là, j'ai commencé par encrer des comics, principalement des titres destinés aux plus jeunes comme Thundercats ou Transformers. Et après un an ou deux, j'ai commencé à dessiner et j'ai obtenu mon premier job pour 2000AD et le reste s'est enchaîné.

Quelles sont tes influences ?
Simon Coleby : Mes influences ? Oh ? J'aime beaucoup d'artistes s'inscrivant dans une tonalité sombre comme Mike Mignola qui est une de mes grandes influences. Aussi, pas mal d'artistes des débuts de 2000AD comme Brian Bolland, Mike McMahon, Cam Kennedy... Ces types là ont eu une grande influence sur moi. Mœbius - Jean Giraud - j'ai adoré son travail mais surtout son imaginaire car sinon, nos styles sont très différents. Simon Coleby TransformersMon dessin est beaucoup plus sombre tandis que son travail était certes pas toujours mais généralement plus délicat, du très bel ouvrage. Mais oui, je suis fasciné par son imagination et j'aime beaucoup son travail. Alan Davis, aussi, j'adore ce qu'il fait. Il y avait ce comics britannique intitulé Warrior et aussi les premiers Miracleman illustrés par Davis, que je trouvait fantastique. Steve Dillon, une autre des mes influences. Voilà, surtout ces gens-là.

Comment décrirais-tu ton style ?
Simon Coleby : Ooooh... Mon style a beaucoup évolué, on me le dit tout le temps et je suis d'accord. Mon style a toujours été... Sombre. C'est juste que j'aime l'esthétique qui en résulte. J'aime beaucoup les films d'horreur, j'aime les dessins sombres et très effrayants et je m'oriente donc toujours vers ce type d'esthétique. Je pense quand même que mes dessins avaient tendance à être plus exagérés, peut-être même un peu cartoony. Ces dernières années, je me suis orienté vers un style plus réaliste. Pas timoré mais un peu plus mesuré. Je suis devenu plus intéressé par le fait de raconter une histoire plutôt que de réaliser des dessins impressionnants. Mon travail a donc pris ce chemin en devenant plus expressifs, focalisé sur le langage corporel, les expressions du visage, etc. Je suis aussi un peu gothique, l'esthétique prime dans tout ce que je dessine, c'est comme ça que j'aime procéder.

Un de tes titres les plus connus en France est Mandroid, une aventure de Judge Dredd...
Simon Coleby : Vraiment ?

Simon Coleby Midnighter Oui, parmi d'autres. Sur ce titre, tu as collaboré avec John Wagner et Kev Walker. Quel souvenir conserves-tu de cette collaboration ?
Simon Coleby : C'est une très bonne histoire mais à la fin, je n'en n'ai pas dessiné beaucoup de pages. J'avais, à l'époque, un conflit de deadlines et il m'a fallu boucler le plus vite possible pour passer sur un autre projet. J'aime bien ce que j'ai fait et c'était emballant de travailler avec John Wagner. C'est un auteur fantastique. J'ai travaillé avec Kev Walker sur plusieurs projets et j'ai encré son dessin pendant un moment, ce qui était très sympa. C'est un excellent artisan et ça a été un très bon apprentissage pour moi, de voir ses crayonnés. Donc oui, c'est dommage que je n'aie pas pu en faire plus, c'est une très bonne histoire. J'aurais aimé aller jusqu'au bout mais malheureusement, ça n'a pas été possible.

L'univers de 2000AD occupe une grande place dans ta carrière. Comment juges-tu l'évolution qu'a connu cet univers entre les débuts du magazine et aujourd'hui ?
Simon Coleby : C'est passé par tellement de phases différentes... Hum... Quand je suis arrivé à 2000AD, on entrait dans une période où les illustrations peintes dominaient, c'était l'ère Simon Bisley. Tout était énorme, exagéré et le contenu était très satyrique. C'était très fun et j'ai réalisé beaucoup d'illustrations dans ce style. Des dessins dans le genre Métal Hurlant, très exagérés. Je pense qu'à l'époque, ce sont les dessins qui orientaient l'histoire. C'était extrême, très visuel. C'était, je pense, la première moitié des années 90 et on s'est bien amusés. Mais aujourd'hui, je pense que l'ancienne mode est revenue est qu'on est dorénavant sur des comics où l'histoire prend le dessus. C'est peut-être mieux comme ça, je ne sais pas. Mais ça a été très fun de faire ça. C'était ridicule, cartoony et... Oui, génial. Maintenant, je pense qu'on prête beaucoup plus attention au script, au récit et au Simon Coleby Judge Dredd personnages. Et je pense que 2000AD s'en trouve renforcé. C'est une sorte d'anthologie hebdomadaire et que bon nombre des histoires parues dans ses pages au fil du temps sont tout bonnement incroyables et les personnages sont fantastiques. Et le magazine continue d'évoluer ! En ce moment, je travail sur une histoire intitulée Jaeger, un spin-off de l'univers de Rogue Trooper, écrite par Gordon Rennie, un auteur écossais. C'est super, l'histoire est géniale. Mais encore une fois, on parle de l'histoire de Rogue Trooper qui a déjà des fondations très solides mais on réussit malgré ça à appréhender ça sous un nouvel angle, une nouvelle approche. Voilà ce que je fais en ce moment et 2000AD semble poursuivre dans cette voie : réinterpréter des personnages, leur donner un nouveau souffle. Et c'est toujours intéressant, voilà ce que j'apprécie le plus avec 2000AD.

Quelle est ton actualité ? Tes prochains projets ?
Simon Coleby : À mon retour en Angleterre, je me mettrai à travailler sur une histoire de Judge Dredd et je viens juste de finir un nouvel épisode de Jaeger, le spin-off que je viens de mentionner, et qui sortira dans 2000AD à noël. Puis, juste après noël, j'ai une autre histoire de Jaeger à réaliser et après ça, je ne sais pas. Aucune idée de ce qui va se produire après ça.

Es-tu un lecteur de comics ?
Simon Coleby : Pas tant que ça, pour être honnête. Quand je lis 2000AD, je repère une ou deux histoires que je suis. Parce que je passe 15 ou 16h par jour à dessiner ou à essayer d'écouter de la musique, tu vois, faire des trucs pour me détendre, ce genre de choses. Je devrais probablement en lire plus mais il faut pouvoir s'en éloigner aussi, à un moment donné.

Simon Coleby Judge Dredd Si tu avais le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'un autre auteur pour en comprendre le génie, qui irais-tu visiter ?
Simon Coleby : Il va me falloir une minute de réflexion.

Pas de problème ! On t’interdit juste de citer K. Dick.
Simon Coleby : Philip K. Dick, bien sûr !

On ne peut pas avoir le même artiste mentionné dans deux interviews dans la même heure !
Simon Coleby : Je pense que la réponse va être assez évidente. Je dirais Mike Mignola. Son travail est incroyable et je n'arrive pas à le comprendre. Je ne comprends pas sa manière de concevoir ses planches ni la confiance avec laquelle il semble dessiner avec une telle simplicité. Des images pourtant si fortes, si belles et si magnifiquement composées. J'aimerai pouvoir entrer dans sa tête parce que, moi, je suis incapable de faire tout ça et j'ai essayé. Il voit les choses d'une manière dont je ne serai jamais capable et je serai fasciné de comprendre le comment. Conjuguer l'énergie et la complexité tout en en mettant si peu sur la planche et être assez confiant pour le faire. Je l'ai rencontré, un jour, à New York. Pour être honnête, c'est la seule fois où je suis resté gaga devant un dessinateur ; je ne savais pas quoi dire. Et je pense être passé pour un crétin car j'ai commencé à lui demander quels stylos il utilisait, ce genre de choses. Il a brandi un stylo devant moi et je me suis éclipsé en marmonnant "merci!" [rires]. Donc oui, je dirais Mignola. J'ai suivi tout ce qu'il faisait depuis Rocket Racoon, dans les années 80 et j'ai donc aussi suivi l'évolution de son style et comment c'est, depuis, devenu encore plus simple et encore meilleur. Simple n'est pas le bon mot, je ne veux pas être réducteur car la simplicité de son dessin en est la force. Je ne pense pas revoir un jour une composition ayant une clarté comparable. Oui, j'aimerais bien passer une demi-heure à traîner dans son crâne, à voir les choses avec ses yeux. Ce serait intéressant.

Aimerais-tu alors travailler avec Mignola, sur l'univers de Hellboy ?
Simon Coleby : Oui, j'adorerais. ce serait génial. J'ai fait une illustration de Hellboy, déjà, pour une commande particulière. C'était très marrant à faire. C'était pour un type en Allemagne qui collectionne mes dessins.

Merci Simon !

Remerciements à Arno et à l'organisation du Lille Comics festival, et à Alain Delaplace pour la traduction.

Simon Coleby Victorian Undead