L'histoire :
Daisuke est le beau gosse du lycée et est bien décidé à en profiter : il compte sortir avec le plus de filles possible avant son entrée à l’université pour se « faire la main » et échapper quelque peu à sa vie banale qui lui pèse de plus en plus. Il n’hésite d’ailleurs pas à le dire à voix haute : la plupart de celles qui seront partantes feront l’affaire pour batifoler, en dehors de sa camarade Hinako qu’il prend pour une sainte nitouche de première catégorie insupportable de froideur. En effet, dès qu’un homme approche ne serait-ce qu’un peu d’elle, la jeune fille a immédiatement une réaction violente de rejet ou de peur, ce qui ne manque pas de vexer ceux qui subissent cela. Et même lorsque Daisuke lui propose sans arrière-pensée de l’aider à porter une masse de papiers trop lourds pour elle, la peur qu’il lit dans les yeux de Hinako le fait battre en retraite. Ce soir, tandis que, pour aider sa mère au restaurant qu’elle tient, Daisuke va récupérer les assiettes vides chez les clients qui ont été livrés à domicile, il tombe sur ses deux principales prétendantes, la flamboyante Kazuki, belle et déterminée, ainsi que l’attentionnée Yuzu, amie d’enfance dévouée qui veille sur lui depuis des années. Pour se débarrasser des deux jeunes filles qui se prennent rapidement le bec dès qu’il s’agit de Daisuke, le jeune homme trouve pour excuse qu’il se rend à l’église, celle-là même dont la rumeur prétend qu’elle serait hantée par le fantôme d’une mariée décédée après avoir été abandonnée devant l’autel lors de son mariage. Enfin débarrassé, Daisuke en profite pour souffler 5 minutes : entre Kazuki, Yuzu, et sa mère qui voudrait qu’il trouve une copine sérieuse et reprenne le restaurant familial alors que lui ne rêve que de partir à Tokyo, le jeune homme semble avoir bien des soucis. Mais la porte de l’église s’ouvre : Daisuke craint qu’une des jeunes filles l’ait finalement suivi et décide de se cacher dans le confessionnal. Il voit alors apparaître Hinako qui se rend à son tour dans le confessionnal et demande à celui qu’elle croie être le prêtre de bien vouloir la conseiller. Daisuke prend cela à la légère et ne veut pas être démasqué, aussi prétend-il être le prêtre et écoute ce que la jeune fille veut confesser, pensant qu’une telle sainte nitouche ne doit pas avoir grand-chose d’intéressant à avouer. Hinako lui raconte alors son terrible passé, à côté duquel tous les soucis du jeune homme paraissent soudain bien risibles : lorsqu’elle était plus jeune, son beau-père s’est mis à la violer régulièrement et elle est tombée par deux fois enceinte. Le premier enfant fut perdu lors d’une fausse couche tandis que le deuxième a été donné en adoption il y a un an jour pour jour...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Lorsque l’on voit que l’auteur est Kei Kusunoki, qui s’est fourvoyé dans le mensonger Diabolo et a commis l’excrémenteux Innocent W, la première chose qui vient à l’esprit est que cette nouvelle série risque fort d’être un désastre de plus, et on se demande pourquoi un titre au pitch aussi différent des habitudes de l’éditeur est venu rejoindre son catalogue (en dehors du fait qu’il s’agit d’une parution Square Enix). Et pourtant, il n’en est rien, même si ce titre est à deux vitesses. Tout d’abord, la thématique abordée est grave, et heureusement bien traitée avec beaucoup de pudeur et de réalisme relatif, même si le cas présent cumule tous les clichés du genre pour rendre le propos plus percutant encore : le viol régulier d’une (à peine) adolescente par son beau-père, sa première fausse couche, son accouchement d’un deuxième enfant et son adoption, le tout additionné du fait que personne ne l’a cru dans sa famille lorsqu’elle a voulu dénoncer son tortionnaire ! Lorsque l’héroïne dévoile son passé dans le premier chapitre, la lecture des faits relatés provoque un vrai choc : l’aveu est bouleversant et va d’ailleurs changer radicalement la vie de l’insouciant garçon qui l’entend. Le suite est le parcours de ces deux-là dans une relation aux relents des plus shôjos et, si l’on comprend bien la volonté de l’auteur, cette seconde partie est par contre légèrement moins bien traitée, même si cela ne vient par pour autant réellement gâcher la lecture. Car à partir de là, Daisuke réagit en effet comme une jeune fille amoureuse de la manière la plus cucul qui soit, allant jusqu’à se traumatiser pour un choc de leur tête (et de leur bouche bien évidemment) provoqué par un trébuchement tout bête. Bref, le jeune homme passe du serial dragueur profiteur et sans sentiment à l’amoureux transi mais un peu bête et qui ne réalise pas encore qu’il ressent de l’amour (ambiance « mais qu’elle est cette nouvelle sensation ? ») ! En dehors de cet aspect et de quelques autres maladresses scénaristiques (du genre : « Il me faudrait une preuve qu’elle ne ment pas… Oh ! Une chute peu subtilement amenée m’amène la preuve désirée il y a 5 minutes ! »), le reste est pour le moins prenant : à la lumière de sa connaissance du passé de la jeune fille, Daisuke « comprend » chaque situation sous un jour nouveau, sous pèse la portée de chacun de ses mots ou de ses actes... et devient rapidement le meilleur ami de la fille dont il tombe amoureux tandis qu’ironiquement cette dernière le prend pour le seul garçon dont elle ne doit pas avoir peur puisqu’il est de notoriété publique qu’il ne s’intéresse qu’aux plus jolies filles, ce qu’elle n’est pas. Ces imbroglios et amours tourmentés sont mis en images de manière très correcte, même si les pages couleurs passées ici en noir et blanc ont un rendu assez horrible. Sinon, les personnages sont très expressifs, le découpage et la mise en scène sont assez soignés, le tramage est correct, et l’auteur ne retombe pas dans ses travers habituels de personnages poseurs. En bref, voilà un manga au sujet de départ très dur mais traité humainement au travers de la redécouverte de l’amour par une jeune fille traumatisée, auquel s’ajoutent quelques obstacles, comme principalement l’ijime (les mauvais traitements) que l’héroïne subit par jalousie de la copine officielle de Daisuke. En passant ainsi du registre de l’horreur (et parfois du comique, comme avec Girl saurus) au shôjo / seinen, l’auteur réussit sa reconversion ainsi que ce premier tome. A suivre, donc.