L'histoire :
En ouvrant son quotidien, Rufus laisse ses yeux tomber par hasard sur une photo. A bien y regarder, le cliché annonce la mort du « Chat », un cambrioleur génial qui défraie la chronique depuis quelques temps. Aussi, pour en avoir le cœur net, il se rend au cimetière dans lequel, sous le nom d’Alfred Millet, le célèbre voleur est enterré. Il y rencontre, une jeune femme éplorée, Sophie. La belle décide de lui conter par le menu comment « Le Chat » en est arrivé là…Tout commence par une soirée ordinaire. Sophie fait bonne figure au Manoir de son père, le riche marchand d’armes, Raymond Pichon. Le bonhomme a en effet invité quelques convives qui doivent l’aider « à entrer en politique ». Mais le riche marchand a quelques casseroles. Il existe notamment un mystérieux dossier secret à son encontre. Il serait donc judicieux de le dérober pour lui laisser un champ parfaitement libre, au regard de ses futurs projets. Charles, qui souhaite épouser Sophie, propose à son futur beau-père de l’aider. Il dit connaitre quelqu’un de sûr et discret qui, contre quelques gros billets pourrait faire l’affaire. Et pourquoi pas « Le Chat », ce fameux cambrioleur insaisissable dont, à force, on se surprend à douter de l’existence ? Et pourquoi pas le début des ennuis ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Initialement publiées chez Casterman entre 1990 et 1999, Les griffes du hasard pointent cette fois leur museau sous forme d’intégrale, pour un polar emballé par une ligne claire drôlement bien roulée. Car du coté des accessits ou des bons points, il faut immédiatement parler du dessin bluffant : une ligne graphique classique, à l’ancienne mais particulièrement empreinte de modernité, via une colorisation intelligente (faite de variations de bichromie) et des cadrages judicieux. A ce titre, la 3e et dernière partie est, peut-être, la plus réussie, qui entrelace veines moderne et ancienne, subtilement. A l’inverse, pour ce qui est du scénario, le bas blesse douloureusement. Car si l’intrigue emprunte des chemins classiques pour le genre policier (magouilles politicardes, escroqueries, jeux de séductions, cambrioleur(s) atypique(s)…), les choix narratifs rendent particulièrement hermétique le récit. Ainsi, les ellipses brumeuses percutent poésie, concepts philosophico-scientifiques (goûtez donc à la fumeuse théorie de l’hyper-réalité !) et action, dans une confusion particulièrement bien orchestrée. Difficile, donc de s’y retrouver (le 3e chapitre est un chouya plus linéaire) dans ces aventures mettant en scène un monte en l’air (Le Chat, dont il est au début très difficile de saisir l’identité), sa clique d’admiratrices et ses victimes, pour un intérêt au final très limité sur le plan de l’intrigue policière stricto sensu. L’écriture très aboutie des textes et des dialogues, si elle renforce les choix esthétiques de l’ensemble, participe pleinement à rendre peu digeste le récit : bien heureux celui qui peut lire la série sans être contraint de multiplier les retours en arrière pour comprendre de quoi il est question. Dommage, car au final, l’ouvrage ressemble plus à un exercice de style qu’à autre chose. A confier, donc, aux amateurs.