L'histoire :
« Nous sommes les enfants des cités », des « branleurs », « des fumistes disaient nos profs mais pas des mômes méchants ». Jean-Mi, Kader, Jojo, Titi, Tonio et Gillou. Une bande de gamins qui habitent le même quartier de banlieue parisienne, ce quartier qui les a vus naître à la fin des années 60. « 1100 logements divisés en 4 cités distinctes, chacune avec des noms de poètes qu’on lira jamais. » Ils passent tout leur temps ensemble entre matchs de foot, discussions, défis, vengeances, conneries de sales gosses, courses pour éviter les plus grands encore plus cons… On se bastonne, on s’insulte, mais on ne parle pas de ce qui fait mal. On protège les secrets gardés par la cité. Jusqu’au jour où l’on utilise les mots qui blessent, ce jour où « tout a basculé… à cause de Barry White ».
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La banlieue des années 80, quinze ans après les constructions des premières tours. Le bilan est fait : les utopies d’habitats collectifs sont un échec et c’est bien la misère qui circule au cœur des cités. Gilles Rochier, né à Ermont dans le Val d’Oise, nous raconte son quartier, comme il le fait depuis ses débuts de dessinateur. On y suit avec tendresse et cette bande de gosses arrogants, qu’on découvre en première page nous faisant des doigts d’honneur… De lieux en lieux, leurs aventures d’ados banlieusards se succèdent : manger des pommes encore vertes pour laisser le fruit d’une colique sur le paillasson d’un voisin, échapper au « sadique barbu » qui aime les petits garçons, fumer des cigarettes en cachette dans la forêt, voler des piles pour faire marcher le poste à cassettes… Partager ces moments d’amitié et se mesurer à soi-même et aux autres, constamment, dans une ambiance virile dont les filles sont absentes. On a l’habitude de la joute : on se vanne, on s’attaque, on se défie ; le combat est rude mais respectueux. On se mesure à la misère également, par le silence cette fois, en taisant les difficultés ou les horreurs de la cité. Mais entre ces murs qui enferment, les mots qui sortent parfois peuvent alors être des détonations. Le problème, c’est l’insulte qui ne passe pas, qui blesse, qui insupporte, car elle reflète une réalité, qui n’est que souffrance et humiliation. « Ta Mère la Pute ». Oui, à l’arrêt de bus, la nuit, à la fin du mois… Les mots se chargent de sens… Et l’inhumanité du quartier explose dans la violence la plus atroce. TMLP, qui a reçu le prix révélation d’Angoulême en 2012, porte la sensibilité de ces jeunes habitants vivant dans la chaleur communautaire et fraternelle de la cité, marquée pourtant par une désolation et une horreur larvaire. Devenu adulte, l’auteur nous livre en outre le lien ambigu qu’il a gardé envers ses origines, entre nostalgie, affection et répudiation. Pourtant, si le dessin tout en gris et en rudesse sert le propos de cette œuvre, notre plaisir de lecteur en regrette la technique assez grossière. Une esthétique bien en-deçà d’un scénario qui nous parle avec des émotions tout en contraste de ces cités qui craquent.