L'histoire :
Dès le petit matin, Georges Wadell, poivrot notoire, tente de s’enivrer une fois de plus dans un petit bar newyorkais. Mais au lieu d’un whisky, il étanche une fin de non-recevoir par le barman et se retrouve dans la rue. Là, deux gamins jumeaux – un frère et une sœur en T-shirts marin – le visent avec un lance-pierre, au moment précis où Wadell retire son œil de verre. Le projectile l’atteint au front et Wadell choit sur le trottoir, laissant échapper son œil de verre. Les garnements s’en emparent, s’enfuient et sèment Wadell dans une impasse. Essoufflé, le bougre se réfugie dans un bordel. Peu regardante, la maquerelle l’envoie dans la chambre 12, où une grosse bonne femme attend le client, dénudée sur un lit, tout en fumant un narguilé. Wadell se déshabille, se vautre sur la femme et commence à faire son affaire… Mais soudain, la femme charnue ouvre une large bouche et l’avale tout entier ! Pendant ce temps, les jumeaux ont une idée saugrenue : lancer le plus haut possible l’œil de verre à l’aide du lance-pierre. Ils tirent donc à la verticale entre deux gratte-ciels. Mais en traversant un nuage, l’œil de verre produit un phénomène inattendu : un mystérieux rayon s’abat sur un quartier de la ville. Dès lors, plusieurs quidams qui passaient dessous vont être affectés par de dramatiques troubles…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La thématique d’horreur de série B, l’intention du noir et blanc exhausteur de clairs-obscurs, ainsi que la qualité de la reliure, laissent initialement espérer un moment jouissif de lecture trasho-frissonnante. Dans les faits, cet épais recueil rassemble deux longues histoires, séparées par un court interlude et terminées par une courte historiette bonus. Toutes mettent en scène deux enfants malfaisants et espiègles, Lili et Winker, à travers un monde contemporain horrible, fantastique et fantasmé, digne des historiettes d’épouvante de Foerster. Essentiellement visuelle et de finitions graphiques inégales, la narration bénéficie par moments d’une voix off soignée – comme sait les mâtiner David Chauvel – bien trop rare pour permettre une pleine et entière compréhension des faits. Car la personnalité de Lili et Winker est purement gratuite, dans le sens où elle n’a ni passé, ni contexte familial, ni périmètre bien défini. Leurs péripéties fantastiques floues et horrifiques répondent certainement à une linéarité improvisée au fil de l’eau. En somme, ces deux détestables gamins n’existent que pour servir les effets de mise en scène, les cadrages originaux, les angles insolites et les clairs-obscurs du traitement noir et blanc à l’encre de Chine. De quoi répondre à un exercice de style intéressant sur de nombreuses cases, mais qui n’intéressera que les hardcore-fans des auteurs ou de ce registre restreint, beaucoup moins les amateurs de scénarios élaborés. Dans les remerciements d’introduction, on croit comprendre que ces planches ont été exhumées des cartons à dessins d’Hervé Boivin, du temps où il faisait ses classes… CQFD.